Quatre ?
Etant devenu un auteur culte, chaque album d'Enki Bilal est un événement salué par les plus grands médias. Et pour Quatre ? la France s'est une nouvelle fois mise à l'heure de Bilal. L'auteur de quelques classiques de la BD comme La Croisière des oubliés, Les Phalanges de l'Ordre noir, Partie de Chasse ou La Trilogie Nikopol a eu le droit aux honneurs de la presse et des journaux télévisés. Pourquoi ? Sans doute parce que La Tétralogie du Monstre évoque une période qui a marqué les esprits occidentaux : celle de la guerre en Ex-Yougoslavie. Sans doute aussi parce que Bilal y a mis beaucoup de lui-même, rendant son récit fort et poignant. Sans doute enfin parce sous ses dehors de science-fiction, cette tétralogie nous parle essentiellement de nous et de notre monde d'aujourd'hui.
Warhole, toujours lui
Nike, Amir et Leyla sont liés à tout jamais. Les trois enfants sont nés à quelques heures d'intervalle dans un hôpital de Sarajevo en pleine guerre dans l'Ex-Yougoslavie. Depuis leurs chemins ne cessent de se croiser et de s'entrelacer. Dans Quatre ?, l'artiste Warhole, le véritable maître de leur destin, décide de les réunir une nouvelle fois. Une dernière fois ?
Dubitatif
Mais pourquoi aime-t-on à ce point retrouver Enki Bilal ? Pourquoi, alors que bien souvent on se sent largué dans l'intrigue artificielle de la tétralogie du Sommeil du Monstre et que l'on aimerait qu'il aille plus au fond des choses ? Au rythme de leurs rencontres et de leurs séparations, ces trois personnages semblent errer comme des fantômes, passant de scène en scène comme pour permettre à leur auteur d'évoquer le futur sous ses pinceaux. La carrière de footballeur de Nike est par exemple anecdotique et on a l'impression qu'elle n'est là que pour donner à Bilal l'occasion d'imaginer l'avenir de ce sport. Et que dire de Warhole qui meurt pour mieux renaître et manipuler encore une fois ses quatre héros, tout en leur faisant des révélations tellement énormes qu'elle nous laissent incrédules ?
Avec ce quatrième tome, la série perd de sa force. Elle s'est diluée dans les événements, tout n'étant que prétexte à allonger la sauce et à se balader une dernière fois dans l'univers de la tétralogie. Et pourtant, malgré ce constat, on prend encore plaisir à lire cet album de Bilal. La faute à son style évidemment, à la profondeur des regards, aux traits de couleur qui s'échappent pour égailler les cases d'un gris terne... et malgré l'indigence de l'intrigue, on referme ce dernier album presque serein de savoir les trois héros enfin réconciliés. La boucle est bouclée. Tant mieux. Merci monsieur Bilal.