David Ratte, né en 1970 à Besançon, débute dans le milieu professionnel de la BD en 2004. Sa rencontre avec Arleston débouche sur la publication de mini récits dans Lanfeust Mag. En 2006, il sort son premier album, Milieu naturel, premier tome de la série Toxic Planet, auquel il donne cette année une suite, Espèce menacée. Parallèlement, il travaille en free-lance dans la publicité.
Génération non écologique
On retrouve Sam et Daphné, jeune couple d’un futur pas si éloigné où le taux de pollution de l’air rendrait Nicolas Hulot apoplectique. On les suit dans leurs pérégrinations quotidiennes, à la plage, au musée, au zoo ou au supermarché, portant en permanence l’indispensable masque à gaz qui les protège d’une atmosphère mortelle. Entre sa famille écolo, le militantisme de son collègue Tran et le cynisme d’un président qui monopolise les médias, Sam tente de mener une vie normale, c'est-à-dire sans se soucier de son environnement.
Une recette qui marche
Fort d’un premier tome réussi, David Ratte poursuit sur sa lancée pour nous proposer de nouveaux gags teintés d’ironie et de cynisme sur la destruction de notre environnement. Son humour, toujours aussi acide, permet de faire passer une pilule amère, celle de la responsabilité non assumée de l’homme envers son milieu naturel. On sent Ratte légèrement plus accusateur dans ce second opus. Premier visé, l’état, à travers un président petit et brun (triste prémonition) qui se fiche de toute considération écologique. Mais Ratte pointe également du doigt le rôle de chaque individu dans la protection de l’environnement, rôle abandonné plus par négligence et insouciance que par volonté de nuire.
Toutefois, l’auteur conserve un ton généralement léger et cherche plus à nous faire rire qu’à nous culpabiliser. Il emploie la même recette que pour Milieu naturel, à savoir : gags percutants, parfois à tiroirs ; plusieurs fils conducteurs pour ne pas lasser le lecteur (la famille, le salon de l’agriculture moderne, le groupuscule écologique Flower Power…) ; un graphisme agréable, simple et évocateur, en particulier au niveau de la gestuelle, qui permet d'exprimer les émotions des personnages malgré leur visage caché ; une colorisation (réalisée par Sylvie Sabater) aux teintes pastel, accentuant le déséquilibre entre la vision presque idyllique de Sam sur son mode de vie, et la réalité néfaste de son monde. Bref, on se trouve dans un univers familier et, si l’on a apprécié le premier tome, il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment pour celui-ci. D’autant plus que Ratte est parvenu à se renouveler.
Une évolution dans le bon sens
Tout d’abord, Ratte a su corriger le défaut principal de son premier tome : celui-ci présentait un grand nombre de demi pages blanches (ou presque), laissant au lecteur un sentiment d’inachevé, voire de frustration. Ce n’est plus le cas dans Espèce menacée : Ratte occupe tout l’espace qu’il a à sa disposition et adapte sa mise en page en fonction de l’effet souhaité pour ses gags.
Ensuite, l’auteur introduit de nouveaux personnages (les parents de Sam notamment), élargissant le champ des intrigues, ce qui lui évite de trop tourner en rond. Mais surtout, ce qui fait la particularité de cet album, c’est qu’il s’inscrit plus dans l’actualité que le précédent. Ratte évoque entre autres la canicule, le nouveau président (même s’il était déjà présent dans le premier tome, l’effet est ici plus marquant), les militants écolo (Yann Arthus-Bertrand), et fait appel à des images, à des situations qui nous concernent déjà aujourd’hui (le jet de déchets sur la voie publique, les emballages inutiles…). Ratte ne donne pas que dans l’extrapolation exagérée, et il touche à un plus vaste éventail de problématiques écologiques.
Un second tome réussi
Espèce menacée est un album de qualité : à la fois drôle et réfléchi, il s’appuie sur la formule éprouvée du premier tome tout en se renouvelant avec succès. En particulier, en s’ancrant plus dans l’actualité, Ratte cherche à nous dire que nous sommes aussi les victimes de nos erreurs et que, si nous continuons dans cette voie, nous rejoindrons les pandas et les baleines dans le cercle de moins en moins fermé des espèces menacées.