La Voie des Furies

David Weber est connu pour sa faculté de marier la science-fiction avec une vision militariste de l'univers. Son fleuron est la série Honor Harrigton, avec les livres satellites qui se passent dans le même univers. Et même lorsqu'il quitte son héroïne favorite et sa galaxie, c'est pour encore nous parler de guerres, de soldats et de batailles spatiales comme dans La Voie des Furies.

La vengeance est un plat qui se mange brûlant

Alicia DeVries aurait dû mourir comme le reste de sa famille lorsque des pirates spatiaux ont mis toute la planète qu'elle habite à sac, tuant des milliers de gens. Sort qui est arrivé déjà à plusieurs planètes. Mais Alicia a survécu par miracle...
Une des raisons en est qu'elle a fait partie du Cadre Impérial, une unité d'élite qui "augmente" le potentiel de ses membres à l'aide d'assistance cybernétique et les transforme en machines à tuer. Plus rapide, plus forte, plus précise, assistée par des ordinateurs implantés et des réserves internes de puissantes drogues. Mais cela n'aurait pas pu suffire.

Ce qui l'a vraiment sauvée, c'est que son désir de vengeance et sa soif de sang ont réveillé une créature magique, un esprit désincarné qui a aussitôt investi son corps : une Furie arrivant tout droit de la mythologie grecque ! Ce symbiote lui apporte de nouveaux pouvoirs inconnus capables de tenir tête aux meilleures technologies.
A deux dans un seul corps, elles vont se mettre en chasse, traquer les assassins et remonter la filière parmi les pirates, les soldats et les fonctionnaires, jusqu'à découvrir ce qui se cache en réalité derrière toutes les destructions et les traquenards. Quitte à fusionner avec une intelligence artificielle, d'y laisser la raison et rejeter tout ce qui reste d'humain en elle. Dure est la voie des Furies !

Quand Honor Harrington croise le Judge Dredd

L'histoire commence bien. Une jeune femme, humaine, avec ses désirs et ses peines, confrontée à l'inhumanité glacée de la Furie. Tout un programme, promettant des confrontations de points de vue intéressants.
Mais très vite, l'auteur ne s'occupe plus de cette dualité, ne la nourrit pas. Il ne l'utilise que pour servir l'action et non plus la réflexion. Et le propos dérive... Impitoyable, invincible et invulnérable, l'héroïne surhumaine va enchaîner les exploits impossibles, comme de pirater les ordinateurs les mieux gardés, voler le dernier navire sorti de la flotte, de ravager des escadres entières de vaisseaux et de menacer carrément le QG militaire du secteur...
Bref, encore un avatar de la jeune femme (la plus sexy possible) qui dame le pion aux meilleurs soldats, ingénieurs et stratèges pour vaincre l'adversité en allant au-delà de ses limites. Encore un ouvrage qui participe à cette répétition chez Weber d'un besoin profond d'affirmer que seule la force et la puissance des armes permet de sauver l'humanité et l'univers des pires catastrophes. Que l'Ordre et la Force sont les seuls remparts contre l'anarchie et la déchéance...

En marge de cet aspect militariste à outrance, un des points les plus amusants de ce livre est l'utilisation permanente chez l'auteur de chiffres et de calculs mathématiques superflus. En effet toutes les batailles spatiales y sont décrites dans un style particulièrement pseudo-scientifique :
"Les singularités de l'espace du vortex avaient porté la décélération de la source approchante à trois milles g, et l'accélération de son escadre la muait en une décélération relative de plus de quarante-sept kilomètres/seconde. Il lui restait à peine quatre minutes avant qu'elle ne passe en vitesse subluminique et, s'il n'entreprenait pas lui-même de décélérer trente secondes avant, il la perdrait définitivement."
Ce type de phrases revient à chaque combat - et ils sont nombreux. Je n'ai pas sorti ma calculatrice pour tout vérifier !

L'histoire - si l'on fait abstraction du militantisme militaire - est en elle-même passionante et fluide. Il y a très peu de temps morts et beaucoup d'explosions, un peu comme le scénario d'un film d'action comme il en sort dix par an sur nos écrans. Il est facile d'entrer dans le jeu et de se laisser aller à suivre la course haletante des trois furies (l'humaine, le mythe et l'ordinateur). Mais contrairement à ce que l'on aurait pu espérer au début, il ne s'agit que d'une série B, un space-opéra sans profondeur qui n'a comme ambition que de nous emmener en promenade dans un futur empli d'étoiles - et de soldats...

Il s'agit à mon avis d'un livre qui plaira surtout aux initiés, une forme de littérature pour amateurs du genre "cyberpunk/space-opéra/fantastique" avec option "mécanique stellaire" s'il y en a.