Le Miroir du Temps
Après deux romans en 1996 et 1997 (Planète des vents et Huis clones) Jean-Michel Calvez s’est pendant presque une décennie consacré aux nouvelles qu’il semait ça et là dans différentes anthologies. Des nouvelles qui lui ont d’ailleurs valu deux nominations pour des prix littéraires (le Masterton en 2002 et le Grand Prix de l’Imaginaire en 2007). 2006 a été l’année du retour au roman pour cet ingénieur en constructions navales avec La Boucle d’Octobre chez Rivière Blanche. Depuis, les vents de l’édition semblent avoir tourné et il enchaîne les nouveaux livres. Panique au quartier latin chez Gisserot et STYx chez Glyphe ont suivi jusqu’à ce Miroir du Temps aux éditions l’Atelier de la Presse.
Un miroir parfait en plein espace
Alors qu’ils travaillent sur la propagation de la lumière, Väinö et son assistant Heini sont contactés par une équipe d’astronomes pour collaborer avec eux. Ils ont découvert une planète qui possède l’étrange propriété d’avoir une surface de glace formant un miroir parfait. Un miroir qui pourrait refléter une image de la Terre telle qu’elle était il y a mille ans. Mais pour saisir cette image, ils ont besoin des deux spécialistes en optique. D’autant que les deux hommes viennent de faire une étrange découverte dans la propagation de la lumière...
Hard science et belle idée
Avec ce roman dont les héros sont des scientifiques qui manipulent des concepts pas toujours évidents, Jean-Michel Calvez nous propose un récit à la limite de la hard science, faisant preuve de pédagogie pour nous permettre de tout suivre, n’hésitant pas à livrer des pages d’explications. Dans le même temps, les deux idées principales sur lesquelles il s’appuie semblent assez simples. Trop peut-être. Pour ne parler que de celle du « miroir » qu’offre cette planète au fin fond de l’univers, elle est tout bonnement incroyable. On est un peu incrédule à l’idée de trouver une telle planète loin dans l’espace. Et on l’est encore plus lorsqu’il s’agit pour les scientifiques de ramener une image nette de ce passé de la Terre. Cela semble tellement impossible aujourd’hui que même en y ajoutant une bonne dose de science-fiction autour de l’avancée technologique de l’optique et de l'astronomie, Jean-Michel Calvez a du mal à nous convaincre de la crédibilité de la chose. Évidemment, c’est le genre de défaut qui nous laisse à la porte du roman.
Et pourtant Le Miroir du temps n’est pas dénué de qualités. D’abord si on passe outre notre incrédulité de lecteur blasé, l’idée d’observer la Terre à un millénaire de distance est quand même séduisante. Ensuite l’auteur a semé au fil de son récit des chapitres se déroulant dans le passé, se permettant même de jouer avec des personnages historiques pour nous délivrer des chapitres qui sont autant de respirations dans le récit. Cela marche d’ailleurs particulièrement bien lorsqu’il met en scène une discussion entre Léonard de Vinci et François Ier. Enfin, s’il est un peu lisse, le personnage de Väinö est intéressant dans ses attitudes de recherches et de doutes, que ces derniers soient scientifiques ou éthiques.
Jean-Michel Calvez est un auteur prometteur. S’il a déjà fait ses preuves dans le domaine de la nouvelle (d’ailleurs il était à nos yeux un candidat sérieux pour le Grand Prix de l’Imaginaire), il lui manque encore un petit quelque chose pour exploser au niveau du roman. Le Miroir du Temps en est la preuve. On sent qu’il a une vraie fibre de conteur qui s’émerveille lui-même des idées qu’il avance mais il rate la marche encore de peu. Nul doute qu’il va trouver dans les prochaines années le bon dosage et s’affirmer comme un auteur « incontournable ». Pour l’heure on se contentera de dire qu’il est un auteur « à suivre » et que ce roman est une nouvelle fois plein de promesses pour l’avenir mais pas complètement convaincant pour lui-même.