BD
Photo de Les Dieux noirs

Les Dieux noirs

Jean-Pierre Pécau (Scénariste), Léo Pilipovic (Dessinateur), Thorn (Coloriste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/03/08  -  BD
ISBN : 9782756009360
Commenter
Christian   - le 31/10/2017

Les Dieux noirs

Comme le titre de la collection le laisse entendre, « Série B » de chez Delcourt n’a pas vocation à produire des chefs-d’œuvre, mais plutôt des récits efficaces, des ambiances insolites, du suspense, du mystère et de l’action. La série du Grand jeu honore donc la collection en répondant parfaitement à ces critères. Elle va même un peu au-delà par sa tonalité fantastique et ses nombreux clins d’œil à Lovecraft et au Pierre Bergié du Matin des Magiciens (origines occultes du nazisme, sociétés savantes secrètes, connaissances révélées par des extra-terrestres, etc.). Ce second album confirme et amplifie le mélange des genres esquissé dans Ultima Thulé. Nous sommes au carrefour de la fantasy urbaine, du fantastique, de la science-fiction, de l’uchronie, du polar, du roman de guerre, d’espionnage et du film d’action. Une sorte de film de guerre de William Wellman, de film d’épouvante d’Howard Hawks (« La chose ») revisité par X-files, Harry Dickson, Rouletabille et « Buck Danny au pôle nord ». C’est donc de la Série B « XXL » ou « panoramique » que nous livrent Jean-Pierre Pécau et Léo Pilipovic.

Ils sont un peu des habitués du genre. Jean-Pierre Pécau, scénariste notamment des séries Arcanes ou Arcane majeur (où des cartes de jeux permettent d’influencer l’histoire) et de L’Histoire Secrète (où quatre joueurs manipulent le temps depuis l’origine du monde), a l’habitude de prendre le large en plongeant dans les arcanes de l’Histoire. Il se plaît à bousculer les destins trop bien ficelés comme dans Empire, une uchronie où Napoléon conquiert l’Inde après la campagne d’Egypte à l’exemple d’Alexandre. Complice, le dessinateur Léo Pilipovic a signé les quatrième et cinquième albums de L’Histoire Secrète. Avec Le Grand jeu, les deux auteurs rebattent les cartes de la seconde guerre mondiale et formulent une hypothèse très perturbante : et si les intuitions de Lovecraft étaient vraies ?

Zone interdite

En 1941, la guerre a été gagnée par la France et l’Angleterre, mais quatre ans plus tard, après la mort d’Hitler, le conflit entre l’Allemagne nazie et la Russie soviétique se poursuit. L’alliance franco-anglaise étend son pouvoir jusqu’au Groenland où se produisent des phénomènes étranges : l’aéronef « Charles de Gaulle » a disparu et la Société des Nations a interdit l’accès à la zone du crash.

Dans ce second album, nous retrouvons notre reporter à France-Soir, Nestor Serge (un détective rebelle entre Nestor Burma et Victor Serge) qui enquête sur le crash après avoir rejoint l’expédition de secours. Le Commander Angus MacPherson des forces spéciales est convaincu que ce qui se joue au Cap Hope, lieu du crash, relève de pouvoirs ancestraux dont les nazis veulent garder le secret. Il n’est donc pas surpris par les religions improbables vénérées au Groenland ou les attaques de loups-garous qui cherchent à supprimer les témoins. Nestor Serge et le Commander écossais finiront par retrouver la trace du zeppelin calciné dans la glace. À leurs risques et périls.

Dense mais digeste

Mais qui sont les dieux noirs du titre ? Les dieux vikings qui se combattent dans l’ultime bataille des dieux (le Ragnarök) ? Sans doute ceux qui règnent dans la zone interdite. Sont-ils, comme nous le suggère MacPherson, des EBE : des entités biologiques extraterrestres ? Est-ce que ça ne serait pas le titre du troisième album ? Il faudra attendre pour comprendre. Car les pauvres fous qui se risquent à inspecter la zone sanctuaire (dont l’un s’appelle Thor) font plus figure de proie que de dieu roi.

Le contexte historique uchronique ne pèse pas trop sur l’intrigue et, au moins dans cet album, l’économie aurait pu en être faite. Bien sûr, il y a de méchants nazis, une russe ambiguë, des français et des anglais, mais ce sont des éléments périphériques. Le cœur de l’intrigue est la découverte de ce mystère (ancestral ou extra-terrestre) qui préside aux événements étranges du Cap Hope. On est plongé dans un univers « strygien » à la Corbeyran. D’étranges créatures inconnues, des chauves-souris alien, protègent l’une des entrées de la zone. Qui est donc derrière tout ça ? Le « Charles de Gaulle » a été carbonisé d’une façon tout à fait singulière. Sommes-nous près d’une porte vers un monde cauchemardesque ?

Le récit peut donner l’impression de partir dans tous les sens, de multiplier les évocations historiques et les références fantastiques, le fil de l’histoire est bien maîtrisé. Au-delà de séquences d’action témoin, nous avons les yeux de Nestor Serge et les explications d’Angus MacPherson pour découvrir le mystère.

Le dessin de Pilipovic est très précis et très professionnel. D’une tonalité graphique US Comics. Le réalisme des postures est préféré au lyrisme du mouvement. Les couleurs sont assez quelconques. Il faut dire que la neige et les uniformes se prêtent peu à leur éclat. Les couvertures de la série sont très belles et on se dit qu'elle aurait gagné en esthétique et en originalité à reproduire le style de la couverture dans les pages intérieures.

Des pouvoirs antiques et des extra-terrestres protégés par les nazis ? Pourquoi pas ? Dans Le nazisme revisité, Stéphane François nous rappelle que certains milieux occultes pensaient dur comme fer qu’Hitler s’était enfui en soucoupe volante dans une base nazie en Antarctique. Heureusement, dans notre univers, pour des atrocités dignes du chaos primitif et de l’extra-humanité, Hitler et les nazis sont punis...

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?