Un paradis d'enfer
David Marusek est un auteur de science fiction plutôt rare qui vit en Alaska. Sa bibliographie ne comporte que quelques nouvelles et un seul roman, cet étonnant
Paradis d’enfer. Il s'agit en fait de la reprise de la novella
L’Enfance Attribuée qu’on avait jusqu’ici pu lire aux éditions du Bélial. Marusek a repris son récit pour en faire le début d’un roman bien plus vaste et ambitieux.
Technofile Avec Un Paradis d’enfer, on commence par plonger dans un futur qui semble presque idéal. Sam est un artiste qui a une renommée mondiale ce qui lui assure un certain confort matériel. Il passe son temps entre son atelier et des réceptions dans lesquelles il envoie le plus souvent des doubles immatériels pour le représenter, bien aidé en cela par son assistant personnel informatique à la personnalité presque humaine. Un confort qui ne l’empêche pas de tomber amoureux d’Eleanor, une femme particulièrement brillante. Tous les deux forment un couple superbe. Ils sont beaux, ils sont riches, ils sont intelligents, ils sont célèbres et surtout grâce à des cures de rajeunissement, ils ont toujours le même âge et semblent éternels. Comble du bonheur, on leur attribue même une autorisation pour avoir un enfant. Mais c’est là que la machine se grippe. Lors du contrôle d’une « limace » Sam est « cautérisé » par erreur, comme s’il était un dangereux criminel. Un processus irréversible qui l’empêche de poursuivre ses cures de rajeunissement. Il ne lui reste alors plus qu’à vieillir jusqu’à la mort… Un destin impossible dans un monde d’immortels…
Riche, trop riche ? En reprenant sa novella initiale puis en la prolongeant, David Marusek n’a pas su éviter un certain déséquilibre dans son récit. Il passe après la novella d’un narrateur à plusieurs et d’une intrigue plutôt linéaire à une histoire bien plus vaste et ambitieuse. En s’éloignant de l’environnement idéal de Sam et Elenaor, il nous fait découvrir le reste du monde, lui aussi bourré jusqu’à saturation de technologie et plus précisément de nanotechnologies. Un monde libéral à l’extrême où chaque immeuble marche comme une petite entreprise, chacun devant apporter sa contribution pour pouvoir payer ses charges. Un monde où la diversité rime aussi avec l’uniformité. Si chacun peut choisir son âge (à condition bien entendu d’avoir de quoi payer les cures de rajeunissement), il existe également des catégories de clones comme les Jérôme, les Russ ou les Jenny qui ont des traits de caractères se ressemblants. Les Russ sont par exemple d’excellents gardes du corps, les Jenny, de jolie poupée un peu fade etc.
Malgré le déséquilibre, on est happé par la richesse du futur imaginé par David Marusek. Il y a de l’émerveillement à chaque page autour des inventions qu’il nous révèle. On pourrait évoquer les abeilles de surveillances, les publicités interactives avec des personnages virtuels s’adressant directement aux passants, les systèmes de sécurité sur les navettes, les taxis volants… Une richesse qui malheureusement étouffe le récit au point d’enchaîner les longueurs dans toute la partie qui suit la novella (on se dit d’ailleurs qu’il aurait pu mieux l’intégrer au récit). L’évènement central du livre tarde trop à arriver et on est souvent tenter de reposer le roman pour passer à autre chose face à la pesanteur de la narration.
Et c’est vraiment dommage. Un Paradis d’enfer foisonne de visions d’un avenir étonnant et passionnant. Sans doute parce qu’il n’est au final pas si inaccessible, technologiquement parlant. Des qualités qui donc ne parviennent pas à faire oublier les défauts d’un roman intéressant mais aussi ennuyeux. On aurait difficilement cru que les deux adjectifs puissent cohabiter. Tout cela aurait mérité un bon coup de dépoussiérage pour que l’histoire apparaisse plus forte et plus lisible. Difficile donc de conseiller la lecture d’Un Paradis d’enfer avec enthousiasme. Gardez les bémols à l’esprit et attaquez tout cela avec courage. Cela peut en valoir la peine…