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Natty 1

Kness (Coloriste), Eric Corbeyran (Scénariste), Melvil (Dessinateur)
Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/08  -  BD
ISBN : 9782505003557
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Christian   - le 31/10/2017

Natty 1

Dargaud publie le premier des deux tomes d’une surprenante série, originale par son exotisme, par son thème, par son ton. Cette touche de fraîcheur est, en grande partie, due à un dessinateur jusque-là méconnu, Serge Meirinho, alias Melvil.

C’est en visitant le Palais de la Cité d’Udaipur, en Inde, que lui est venue cette idée de scénario. Au début du XIXème siècle, une jeune princesse, Krishna Kumari, y a connu un triste sort, puisqu’elle fut obligée de mettre fin à ses jours pour éviter une guerre. Partant de ce sacrifice exceptionnel et sensible à l’atmosphère exotique des palais indiens, Melvil s’est lancé dans un projet graphique, dont la scénarisation a été proposée à Eric Corbeyran.

Scénariste prolifique, plus habitué aux Stryges, à la campagne profonde des Soupetard, aux sortilèges ou aux xénotechnologies qu’aux ambiances féériques et humoristiques,  celui-ci a mis son talent au service d’une histoire à la fois touchante et amusante.

Le résultat est un conte hors du temps, d’ailleurs et de nulle part, dont le trait élégant, délicat, et le format (80 pages) confortent l’originalité. Singulier et superbe.

Le mariage qui tue

Natty, princesse d’Orchidistan, s’ennuie, seule avec sa vache de compagnie, dans son palais de fleurs. Elle voudrait rencontrer des amis et connaître un peu mieux le peuple de son pays, mais sa gouvernante et ses parents l’en dissuadent. Elle risquerait de rencontrer des Intouchables, ces êtres difformes qui vivent dans les bas-fonds obscurs de la cité. La reine a d’autre projets pour sa fille : lui faire épouser le prince Khourou, qui règne sur les nomades des steppes, ou le prince Simias, qui gouverne un peuple de paysans sur des terres arides.

Face aux offrandes des deux princes venus en grande pompe, Natty n’a qu’une journée pour choisir son mari. Mais les princes sont incultes, orgueilleux et stupides. Elle annonce publiquement son souhait de ne pas se marier et c’est l’incident diplomatique. Les nations des deux prétendants y voient là une grave offense et le livre des lois n’admet qu’un seul acte pour laver cet affront : le suicide public immédiat de la princesse.

Pour échapper à la mort, Natty saute alors d’étages en étages le palais d’Orchidistan jusqu’à se réfugier dans les profondeurs de la cité. Elle est désormais prise au piège, entre les Intouchables et les soldats qui la traquent. Heureusement, cette fois-ci, elle ne sera plus seule…

Un joli conte graphique

Ni manga, ni franco-belge, ni Disney, le style de Melvil est à la fois universel, syncrétique et différent. C’est sans doute l’effet d’une touche d’indianité qui s’exprime non seulement dans les costumes, les objets, les décors, mais aussi dans les visages et les yeux. Des visages oblongs. Des yeux étirés. On est loin des rondeurs manga, sauf pour la taille élargie des globes oculaires. Le trait européen se retrouve dans les attitudes et le mouvement des corps. Sans être trop éclatantes, ni trop contrastées, les couleurs évoluent avec le scénario de la splendeur du palais aux obscurités verdâtres des bas-fonds. Même dans les séquences les plus sombres, il y a un côté enfantin et vivifiant dans les formes dessinées de Melvil. Un trait subtilement optimiste. Des illustrations qui attirent et qui reposent l’œil. La quintessence de cette fraîcheur apparaît comme un slogan en couverture.

Un album de qualité qu’on imagine volontiers dans un autre format, image en haut, texte en bas. À quand la version animée ? L’élégance poétique du trait de Melvil fournirait une excellente matière à une version grand écran. Le scénario est de très bonne tenue. L’exotisme indien ne dépareillerait pas. De l’insouciance de l’enfance à l’inquiétude adolescente face aux réalités impitoyables du monde, le propos est universel. La philosophie générale (respecter les autres, écouter son cœur, assumer ses choix, ne pas se fier aux apparences) n’a rien à envier au Azur et Asmar de Michel Ocelot.

Un coup de chapeau à Dargaud pour cette belle production hors sentiers battus qui plaira à tous les enfants.

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