Frederik Pohl (né en 1919) est un des plus célèbres auteurs américains de science-fiction. Il a écrit notamment Les Annales de la cité, Homme-Plus, L’Ultime fléau et La Grande Porte est considéré comme son chef-d’œuvre (prix Hugo, Locus, Nebulla et John W. Campbell Jr.).
Les premiers sont riches et ont pour rôle d’orienter les choix de consommation des seconds.
Ces derniers sont pauvres, en grande partie parce qu’ils ne peuvent s’empêcher d’acheter tout un tas de choses inutiles. La publicité est trop forte. Il est presque impossible de résister à un Craquesel, puis à l’envie de boire de la limonade pour étancher la soif que cela vous donne, et ensuite à l’envie de fumer des cigarettes Starr, suscitée par le goût laissé par la limonade. Sans compter que les cigarettes Starr donnent, elles, envie de manger des Craquesels…
La société décrite dans Planète à gogos n’est pas très éloignée de la nôtre. Elle pourrait être celle de notre futur, si ce n’est qu’elle repose sur une maîtrise parfaite de l’art publicitaire que – heureusement – les agences de réclame ne possèdent pas encore. Les consommateurs ont, de plus, perdu toute possibilité de résister aux sirènes publicitaires. Seuls les Ecolos – les pires criminels qui soient ! – mènent une résistance acharnée contre la propagande consumériste.
Pohl et Kornbluth critiquent donc la société de consommation et son arme ultime, la publicité, au travers de deux histoires mettant en scène des cadres qui vont être confrontés à la vie des consommateurs. Il démontre l’absurdité d’un système que nous connaissons bien, poussé à l’extrême. Par exemple, les candidats aux élections sont des personnages fantoches choisis par les agences publicitaires et qu’elles s’efforcent de faire élire pour s’emparer du pouvoir politique.
La critique est fine, un peu à l’image de ce que fit Montesquieu dans De l’esclavage des nègres : les personnages expriment les pires horreurs avec le plus grand naturel. Dans Planète à gogos, il n’y a jamais d’attaques directes contre la publicité et la société de consommation. Les auteurs nous décrivent des faits, présentent des scènes qui permettent de conclure naturellement de l’absurdité d’un tel fonctionnement social.
Dans Les Gogos contre-attaquent (que Pohl écrit seul en 1984, Kornbluth étant décédé plus de vingt-cinq ans plus tôt), la critique est plus acerbe, moins camouflée. Le personnage principal, pris de remords et d’aigreur envers la publicité qu’il chérissait tant, exprime sans détour ses sentiments. La critique n’est pas plus claire, et la qualité littéraire du roman y perd beaucoup.
Les deux personnages principaux, Courtenay et Tarb, sont pour ainsi dire identiques : cadres de première classe, publicitaires, même écoeurement vis-à-vis des consommateurs, naïveté identique qui leur attire des ennuis (et les empêche surtout de les éviter), passion similaire pour une femme avec qui ils ne peuvent construire une histoire solide, et cetera.
Les deux récits empruntent le même schéma. Le personnage, destiné à un grand avenir, fait face à quelque difficulté de la vie qui le fait plonger dans l’univers déroutant des consommateurs. Il réussira bien sûr à s’en sortir, mais non sans un questionnement sur la société, son mode de vie et son attitude vis-à-vis de ses concitoyens de seconde classe.
Seul, Pohl n’a donc écrit qu’une suite, bonne, mais qui n’atteint pas la qualité de l’original.
A noter que Planète à gogos suivi de Les Gogos contre-attaquent comporte des chapitres inédits de Planète à gogos. S'ils sont un argument commercial pour Gallimard, ils ne sont d'aucun intérêt pour le lecteur.
Un livre qui vaut le détour
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