Rhapsody (tomes 1 et 2)

Elizabeth Haydon est pratiquement une nouvelle venue dans l'univers de la fantasy, du moins pour les lecteurs francophones. Son premier roman est sorti en 1999 aux USA, mais vient seulement d'être publié en France en 2006. Il est déjà possible de trouver plusieurs tomes de la série fleuve de La Symphonie des Siècles. J'ai Lu en a entamé la reprise en poche, découpant comme il est ordinaire dans nos contrées les livres en deux tomes.

Un si long périple !

Rhapsody est une barde. Elle connaît la musique du monde et des gens, elle sait utiliser les mots de la vérité. Elle sait apaiser, soigner et contraindre son environnement à se plier à ses décisions. Mais c'est aussi une jeune femme, une métisse, moitié humaine et moitié Lirin, belle à couper le souffle. Il fut un temps où elle vendait son corps, mais cette vie est terminée, du moins le croit-elle... Jusqu'au jour où les sbires d'un ancien client viennent la chercher pour apaiser les pulsions de leur maître.
En fuyant, elle rencontre deux personnages étonnants et improbables, croisement des races anciennes, des tueurs dont les capacités de combat vont l'aider à rester libre. Mais eux aussi fuient, une horreur encore plus ancienne. Entraînée malgré elle, elle est obligée de les suivre, même lorsqu'ils plongent au cœur du monde. Tous les trois, ils vont aller traverser le feu primordial qui brûle au centre du monde.
Ressortant changés et encore plus puissants, ils découvrent avec  stupeur qu'un millénaire et demi s'est écoulé à la surface. Leur terre natale n'est plus, disparue sous les eaux et l'équilibre des races et des pouvoirs est complètement changé. Il leur reste à trouver leur place dans ce nouvel environnement qui, tout comme celui qu'ils ont laissé en fuyant, paraît à l'aube d'une apocalypse.

Une construction remarquable !

Dès le début de la lecture, il est évident que l'auteur a décidé de prendre son temps pour raconter son histoire. Elle prépare le terrain, construisant sous les yeux du lecteur un univers solide et complexe... Pour s'en défaire bientôt en plongeant ses héros dans une longue – un peu trop – parenthèse hors du temps.
À leur réapparition sur la surface, le monde a changé et, de nouveau, Elizabeth Haydon dessine tout un univers, une multitude de pays, de figures et d'événements. Elle récapitule plus d'un millénaire d'histoire, de légendes et d'aventures fantastiques. Au bout des deux tomes (pour la version française), les pierres de base de l'univers de la série sont bien posées mais de nombreuses questions restent en suspens.

Si connu et tellement neuf

Pour définir les races et les comportements des protagonistes de ses livres, l'auteur a plongé dans les légendes celtiques les plus anciennes. Même si les noms changent, les archétypes ont tous des résonances avec les histoires de notre culture ancienne, nous rappellent des êtres de conte de fées ou de la mythologie de nos ancêtres.
Nains, elfes et orcs sont présents – sous des noms d'emprunt – ainsi que les dragons ou les démons. Les personnages aussi font écho à des figures remarquables, qu'il s'agisse d'un roi amoureux d'une sorcière à moitié dragon, de conquérants traversant les mers ou de druides vénérant un arbre multimillénaire.
Pourtant, il est impossible de ne pas voir, à la justesse du ton et à la liberté prise par l'auteur, qu'elle nous offre une histoire nouvelle, un univers cohérent, mais unique. Si les comportements sont par moment prévisibles, ils le sont par rapport au roman lui-même, pas à ce que nous pensons savoir des créatures présentées. Loin d'être de pâles copies de nos légendes, les personnages sont réalistes, vivants et profonds.

Une étrange notion du temps

Le seul bémol a apporter à cette remarquable série est la manière dont l'auteur se perd parfois dans les notions temporelles. En dehors des trois héros – qui ne doivent leur longévité qu'à leur périple au cœur du monde – plusieurs personnages ont vécu longtemps ou même survivent encore après des siècles d'existence sans que réellement l'explication donnée soit cohérente.
Il est, du coup, parfois dur de comprendre qui est qui, comment une personne a vécu et particulièrement, de suivre les filiations des individus. Par moment, le récit en est rendu brouillon et hésitant. Mais trop peu pour vraiment fragiliser le formidable travail de l'auteur.

Ces deux livres forment la première partie d'une trilogie. Si le niveau d'écriture et de conception de l'univers reste par le suite au même niveau que dans ce premier volume, La Symphonie des Siècles pourrait bien devenir un ouvrage de référence dans un avenir proche.