Avec
Comme feuilles au vent, Saverio Tenuta continue son premier cycle
La Légende des nuées écarlates, entamé en 2006 avec
La Ville qui parle au ciel. Cet auteur italien né en 1969 a démarré sa carrière avec quelques nouvelles graphiques en Italie (
Cold Graze chez Phoenix) ou aux USA (pour
Heavy Metal notamment). Il a également illustré des jeux de cartes, des couvertures de
comics, et il donne des cours à l’École Internationale de Bande Dessinée de Rome.
Raido confronté à son passé Après avoir récupéré ses épées, les nuées écarlates, le ronin Raido se repose auprès de Meiki, la jeune fille qui lui semble liée de façon inexplicable. Mais son passé le rattrape : la shogunaï Ryin, aidée de son général Fudo, fait tout pour le retrouver. Menacés, Raido et Meiki n’ont d’autre choix que de pénétrer dans le palais, afin de libérer Yozeru, vieillard enfermé avec les loups blancs que traque la shogunaï. Ce sera l’occasion pour eux d’en apprendre un peu plus sur leur identité et leur rôle dans le combat que mène Ryin contre les loups de la forêt de glace. De son côté, Ryin est hantée par le souvenir de son père qu’elle a tué pour s’accaparer le pouvoir de la chair.
Toujours aussi magnifique Le premier tome de
La Légende des nuées écarlates avait impressionné par son graphisme splendide. Tenuta continue sur sa lancée et livre un ouvrage toujours aussi magnifique, apportant un soin incroyable au dessin et à la colorisation. Que ce soit pour les décors et les objets – leur positionnement étudié, leur richesse, leur réalisme – ou les visages des protagonistes – d’une précision esthétique rarement observée en bande dessinée – l’auteur fait preuve d’une application qui explique sans doute les deux ans qui séparent la sortie des deux albums.
La colorisation artisanale reprend les tons utilisés dans le premier tome : blanc et rouge, neige et sang. L’harmonie qui se dégage de ces couleurs pourtant tranchantes est un vrai régal pour le lecteur, qui passera des minutes entières sur la plupart des planches.
Par ailleurs, la mise en scène et le découpage sont très inspirés. Notamment, le dynamisme des scènes de combats – brèves et intenses – répond au calme faussement serein de certaines cases. On sent une tension permanente admirablement bien rendue par le dessin.
Un scénario qui suit son cours Côté scénario, pas de véritable surprise par rapport au premier tome, mais un développement fluide et naturel de l’histoire commencée dans
La Ville qui parle au ciel. On est un peu moins dans le domaine de la légende puisque l’on s’attache plus au passé des personnages. Mais c’est aussi l’une des composantes du talent de Tenuta : savoir mêler l’intrigue et les contes, les uns nourrissant l’autre – et réciproquement. Ainsi, les légendes racontées de village en village se lient-elles au passé des héros, selon un schéma qui ne nous apparaît pas encore clairement. L’auteur nous dévoile les éléments importants petit à petit, relançant notre intérêt sans avoir recours à des révélations abracadabrantes. De même, les éléments fantastiques du scénario sont abordés avec discrétion, comme la marque d’une époque qui ne distingue pas le réel de l’imaginaire.
Par ailleurs, un certain manichéisme, que l’on sentait poindre à travers le traitement de Fudo, est vite effacé par une complexité grandissante dans les rapports entre les personnages : Fudo / Ryin, Ryin / Raido, Raido/ les loups… Sans compter que le rôle de Meiki, dont on apprend les origines, reste trouble pour le lecteur autant que pour Raido.
Indispensable La Légende des nuées écarlates s’avère donc une série incontournable pour les amateurs de beaux dessins et de belles histoires.
Comme feuilles au vent tient haut la main les promesses de
La Ville qui parle au ciel. On sent que le cycle pourrait trouver son terme dans un troisième tome, qui s’annonce plus axé sur les aspects fantastiques de l’histoire. Si c’est le cas, nul doute que Tenuta saura conclure avec le même talent.