Interférences
Yoss est Cubain. C'est aussi un auteur, un conteur qui aime imaginer des histoires, des contes qui réveillent les lecteurs et ouvrent l'esprit. Ce qui n'est assurément pas une position facile à tenir dans son pays.
Sylvie Miller est auteure, anthologiste et traductrice. N'étant pas restée indifférente à la littérature de Yoss, elle a assuré la traduction de quelques-unes de ses nouvelles pour le recueil Interférences. Elle avait déjà publié une nouvelle de Yoss dans le recueil Dimension Latino.
David contre Goliath ?
Il était une fois un grand pays démocratique et développé. À côté, son petit voisin, lui, était gouverné par un Dictateur (affable, mais Dictateur quand même). Cela ne vous rappelle rien ? C'est dans ce cadre que Yoss place ses contes qui n'épargnent rien ni personne.
Abusant de la méthode cinétique (traduisez : les coups de marteau) pour réparer son antenne de télévision, monsieur Perez arrive à recevoir des émissions... venues de l'avenir ! Du lendemain, de quelques semaines... Une fois l'affaire arrivée aux oreilles du Service de Renseignement du petit pays, les événements vont se précipiter.
Lorsque, dans les deux pays, les gens commencent à se transformer en pièces détachées pour vaisseau spatial extraterrestre, la paix pourrait bien être compromise.
Et lorsque, comble de l'irrespect, la cheminée d'une usine du grand pays fait de l'ombre au Dictateur (encore affable) lors d'un de ses discours, une étrange course s'engage. Une escalade dans la hauteur des cheminées, qui va entraîner le monde entier dans une féroce compétition, un engagement total.
Lire entre les lignes
Yoss n'est pas particulièrement elliptique dans ses paraboles. Les deux pays, les comportements et les intervenants sont aisément reconnaissables. Et, s'il n'épargne personne, sa satire touche plus directement au cœur du système dictatorial que la démocratie. Il le fait toutefois avec suffisamment de tact, éclairant par moment les dérives du capitalisme, pour ne pas se déclarer irrémédiablement opposant au régime. Ainsi, sa critique, tempérée souvent par l'absurdité du propos, passe bien et ne lui a pas - trop - causé d'ennuis. Il avoue lui-même, toutefois, qu'il n'avait pas prévu, au départ, une diffusion large de ces textes.
Au-delà de l'aspect fantastique des aventures, caché sous la critique politique, se trouve aussi un texte merveilleux, une description désabusée et ironique de la vie dans le pays de Yoss. De la méthode cinétique aux discours interminables en passant par la vétusté des automobiles, nous pouvons avoir un aperçu de la vie cubaine par l'intérieur. Et il en ressort une douceur amusée, un fatalisme bon enfant fort intéressant.
Un livre qui change radicalement de nos lectures habituelles, trop souvent façonnées à l'anglo-saxonne.