(Pro)Créations

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Le thème de la naissance, comme Lucie Chenu le fait remarquer dans la préface, n'a pas fait l'objet d'anthologies dédiées en France avant aujourd'hui. C'est cet oubli qu'a voulu combler l'anthologiste, en rassemblant les textes de vingt-deux auteurs, pour la plupart connus. Première constatation : si un certain nombre de récits sont bien centrés sur la naissance elle-même, beaucoup d'autres tournent plutôt autour de la grossesse, ou de l'envie d'enfant, voire, pour quelques-uns, sur l'acte de création (littéraire ou artistique).

Comme dans toute anthologie également, il y a des textes (je ne vais pas dire plus ou moins réussis), mais qui, disons, toucheront ou convaincront plus ou moins le lecteur. Je ne vais donc pas faire dans l'exhaustivité, d'autant plus que les impressions sur le sujet seront probablement lecteur-dépendantes, et plutôt brièvement en commenter un certain nombre, en tentant de les organiser par sujet.

Noir réalisme

Plusieurs des textes sont placés dans des mondes qui pourraient être le nôtre, ou presque, mais qui sont loin de ne présenter que des aspects enthousiasmants (encore un point commun)...

La nouvelle la plus forte de l'anthologie est sans conteste La Dormeuse Blême de Léo Lamarche (première parution dans l'anthologie Si c'était vrai, 2004). De par sa structure, son sujet, son traitement, et parce qu'il pourrait s'agir d'une histoire vraie. Une nouvelle où la nausée monte, jusqu'à la fin, avec un post-scriptum en forme de coup de poing... Le texte de Lélio a un sujet un peu similaire, mais le temps y a déjà commencé à atténuer l'horreur.

Le récit, ou plutôt l'enquête médico-sociologique de S.-F. d'Amin Maalouf est nettement intriguant, mais ne livre que les prémisses d'une histoire, développée dans son roman de 1992 Le premier siècle après Béatrice. Celui de Martin Winckler, qui s'en rapproche par le style et le sujet, est lui aussi un extrait d'un texte plus long (Mort in vitro, 2003). De nouveau, intéressant, mais incomplet...

Jean-Michel Calvez s'attaque à une dure question d'éthique, pour un texte convaincant qui joue à la fois sur l'ambivalence des sentiments de la « mère » vis-à-vis du petit, et l'opposition de la société à ce cas unique.

Le seul récit de détectives de l'anthologie (Hélène Calvez) est également l'un des plus positifs, et montre une jolie variation sur le thème du mystère de la chambre close. Celui de Patrick Eris oeuvre également à introduire une certaine légèreté, malgré son sujet.

Contes

Les trois contes de cette anthologie (Francis Berthelot, Alain le Bussy et Pierre-Alexandre Sicart) sont très divers de par le sujet et le style, mais parviennent tous les trois à intriguer le lecteur tout en faisant passer une poésie généralement absente dans la plupart des autres textes présentés.

Science-fiction

Plusieurs des nouvelles de science-fiction partagent un sujet convergent : la confiscation de la grossesse par la société, et l'impossible désir d'enfant qui en résulte (Antoine Lencou, Sylvie Miller et Jean-Pierre Fontana). Un sujet qui émerge également d'une nouvelle fantastique, celle de Jean Milleman. Les deux dernières nouvelles situées dans un futur plus éloignées se détachent du lot : Le En Chair de Pierre Bordage évoque avec brio un monde où la gestation et la naissance sont utilisées comme des punitions, et fait penser à Ne Mords pas le Soleil, de Tanith Lee, et Joëlle Wintrebert s'intéresse à la grossesse dans le cadre de la conquête d'autres planètes...

Fantastique

Enfin, les récits fantastiques de cette anthologie réintroduisent les fées et les esprits dans la grossesse et la naissance (Jess Kaan, Mélanie Fazi, Jean Milleman), l'occulte à des fins beaucoup plus sombres (Lionel Davoust), ou avec des résultats tragiques (Carole Boudebesse).

Les histoires de femme enceinte finissent mal en général

Le lecteur remarquera aussi une prédominance de textes assez sombres, où seules les nouvelles d'Hélène Calvez et de Nathalie Dau sont totalement positives, proportions qui contrastent fortement avec le pesant enthousiasme de l'entourage des femmes enceintes.

Si de nombreuses nouvelles sont prenantes, comme dans toutes les anthologies, la concaténation souligne les différences de qualité, de style, et surtout de sujet. Mais cette diversité introduit une variété bienvenue pour une anthologie qui avait pour but de se concentrer exclusivement sur un moment finalement très bref de la vie, fût-il aussi chargé symboliquement.

Pas forcément le meilleur cadeau à faire à une amie qui attend son premier (à moins qu'elle ne se soit plainte du gravidement correct qui l'entoure), mais un bon ensemble de textes où il y en a pour tous les goûts...