Christian
- le 31/10/2017
Diamond
Dessinateur des séries Sanctuaire, Prométhée, Zéro absolu, Christophe Bec, qui tend à privilégier son activité de scénariste, signe également les textes des séries Carthago, Bunker, Le Temps des Loups, Ténèbres, Carême, Deus, Rédemption. Il y instille un fantastique inquiétant en forme d’énigme dans une réalité personnelle ou professionnelle (des requins préhistoriques dans Carthago, un péril venu des profondeurs dans Sanctuaire, venu des hauteurs dans Bunker, un lieu hanté dans Fontainebleau, des événements tragiques à 13h13 dans Prométhée, le passage par une ville étrange dans Rédemption). Dans Le Casse, l’optique est un peu différente. Christophe Bec y orchestre une sorte de mission impossible en plein grand froid sibérien.
Le scénario n’était, en effet, pas libre. C’est l’éditeur Delcourt qui est à l’initiative du lancement en six albums d’une collection de hold-ups spectaculaires. Pour Le Casse, Delcourt a fait appel à Christophe Bec et Dylan Teague, dessinateur de comics britannique (DC Comics, Marvel UK) qui signe là sa première BD franco-belge. Plus question de fantastique, mais du suspense et de l’extraordinaire, car le casse en question a des allures d’exploit insensé. Un ton réaliste, une ambiance peu commune et presque irréelle tant les conditions de vie semblent extrêmes, dans ce coin perdu, mais riche, d’une Russie méconnue.
Casser des diamants
Tandis que des mineurs trouvent une mort glacée dans les entrailles de diamants d'Askashaya, deux occidentaux roulent sur les longues routes enneigées de Sibérie. Après la rencontre de deux cadavres près d'une voiture accidentée, ils poursuivent leur route jusqu'à la mine de diamants du Kouzbass, à 3 000 kilomètres de Moscou. Sur place, ils se font discrètement embaucher comme mineur et expert-comptable.
Leur travail à Askashaya est, en fait, une couverture pour un job bien plus lucratif : braqueurs d'un convoi de diamants pour le compte d'un chef de gang US. Pour un million et demi de dollars, ils vont passer de l'enfer blanc (- 15°C) à l'enfer de la mine (+ 35 °). Dans le pays du froid extrême, ça va chauffer...
Froid sibérien
Est-ce un hasard ? Le trait réaliste de Dylan Teague n’est pas sans rappeler celui de Christophe Bec. Il est juste un peu plus hachuré, plus fin et plus marqué, laissant moins de liberté dans les dégradés et les ombres aux coloristes Araldi et Basset. Les décors sont plus nets. Ils frisent parfois l’hyperréalisme, comme ceux de Novossibirsk. Les visages manquent d’expression, mais c’est moins une maladresse stylistique que la volonté de présenter des personnages durs, sans illusion, sans pitié, usés par la fatigue et le froid.
Pas de bavardage superflu. Les images soutiennent davantage les sentiments et les actions que les dialogues. Les cadrages sont classiques. L’univers est masculin. Ambiance corons glacés. Discrétion assurée. Violence garantie. Dans la mine de diamants, dans l’attaque du fourgon, dans les règlements de compte. Les décors, les costumes sont précis et bien documentés. À eux seuls, ils nous plongent dans un univers exotique, quasi-fantastique et, malgré tout, très crédible.
L'atmosphère à la Bec est étouffante : localité perdue, froid extrême, environnement hostile. Le scénario reste très classique dans son déroulement, mais son dénouement est inattendu. Christophe Bec n’a pas voulu coller totalement aux lois du genre et s’est offert quelques libertés, en sacrifiant un personnage clé, en préservant son héros, mais pas son projet. Pas de personnage hors norme. Des individus ordinaires en quête de diamants, de survie ou d’ailleurs.
On ressort de cette lecture avec le sentiment d’échapper à une descente progressive aux enfers, dont le jeu ne valait pas forcément la chandelle. Mais cet enfer, loin d’être irréel, semble tout droit sorti d’un documentaire. Ce qui fait froid dans le dos…