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Sherlock Holmes et la Sagesse des Morts

Benjamin Carré (Illustrateur de couverture), Rodolfo Martinez ( Auteur), Jacques Fuentealba (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 28/01/10  -  Livre
ISBN : 9782354080624
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chloe   - le 31/10/2017

Sherlock Holmes et la Sagesse des Morts

Rodolfo Martinez est un auteur espagnol talentueux, mais peu connu en France. Il a été révélé par les éditions Rivière Blanche, dans leur anthologie de textes hispanophones présentés par Sylvie Miller, et intitulée Dimension Espagne. On y trouvait deux de ses textes : Il traverse le désert et La Route. Rodolfo Martinez fait donc partie de ces auteurs de l’imaginaire ibériques contemporains qui, tout en étant nos proches voisins, n’ont que peu de lecteurs dans l’Hexagone. La présente traduction est donc chose rare, ce qui nous invite à féliciter d’emblée Mnémos pour ce choix éditorial. Rappelons aussi que ce Sherlock Holmes et la Sagesse des Morts a remporté le prix Asturias du roman en 1995.

Occultisme, vampires et tasse de thé

La sagesse des morts
Mars 1895. Sherlock Holmes est revenu d’entre les morts. En effet, après avoir fait croire à sa disparition suite à l’affrontement avec le professeur Moriarty dans les chutes du Reichenbach (Le problème final), et s’être caché pendant trois ans sous l’identité – inventée de toute pièce - de l’explorateur norvégien Sigurd Sigerson –, cela fait à présent un an qu’il est revenu à sa vie londonienne, auprès de son cher ami et coéquipier le docteur Watson. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il découvre que le journal annonce une conférence du professeur Sigerson ! Sa curiosité éveillée, il se rend au Club Antropos, où se déroule le colloque, pour essayer de découvrir les intentions de cet imposteur.

Depuis la Terre au-delà de la forêt
Au mois de décembre 1899, Sherlock Holmes s’indigne encore de la stupidité de ses contemporains, lorsque l’inspecteur Lestrade fait irruption, lui annonçant une nouvelle des plus déconcertantes. Lord Saville, pourtant dans la force de l’âge, vient de décéder de façon étrange. Il a perdu tout son sang, mais on ne trouve aucune blessure ou hémorragie pouvant expliquer ce phénomène. Sherlock Holmes est donc sollicité pour découvrir la raison de cette mort mystérieuse.

L’aventure du faux assassin

Une jeune femme trépasse après avoir bu un thé empoisonné. Son fiancé vient quérir l’aide de Sherlock Holmes pour découvrir le coupable.

Respect de l’œuvre originelle et cohérence romanesque

Le livre débute d’une façon somme toute classique : l’auteur, Rodolfo Martinez, aurait retrouvé des manuscrits perdus et inédits narrant de nouvelles aventures du célèbre détective, dont il serait simplement le traducteur. Ces textes seraient de la main même du Docteur Watson qui, loin d’être un personnage imaginaire, aurait réellement existé, tout comme Sherlock Holmes, et serait le véritable auteur de leurs aventures – et Arthur Conan Doyle un simple agent littéraire.

Lorsque l’on aime les aventures de Sherlock Holmes, on a de l'estime pour leur auteur, Arthur Conan Doyle. On est donc assez surpris et gêné de le voir présenté en ces pages comme un individu pleutre et envieux, jaloux de Sherlock Holmes et de sa sagacité. Bien sûr, il s’agit d’une fiction, qui joue sur l’humour et les clins d’œil : mais lorsque l’on reprend une série pour un hommage littéraire, il est assez périlleux d’en représenter l’auteur d’origine sous les traits d’un couard. Mais Rodolfo Martinez s’est risqué à ce détournement, et respecte par ailleurs le style de Conan Doyle, en écrivant son texte "à la manière de".

Sherlock Holmes et la Sagesse des Morts propose un savant mélange entre faits réels, hommage littéraire, emprunts et transformations. L’idée de confronter la raison pure, incarnée par le célèbre détective, au mystère et au fantastique, est un beau challenge, difficile à mettre en pages. On y trouve bien sûr de multiples allusions et références explicites aux aventures de Sherlock Holmes, ainsi qu’aux écrits de Bram Stoker, Edgar Allan Poe ou encore Lewis Carroll, dans une mise en abîme qui mêle adroitement réel et fiction. Rodolfo Martinez va jusqu’à intégrer à la fin de l’ouvrage des « notes sur la traduction hispanique du texte original », ajoutant commentaires et précisions sur les textes qu’il aurait reproduits, de façon convaincante.

Exercices de style

Le premier et principal récit se déroule au mois de mars 1895, bien avant la publication des écrits de Howard Phillips Lovecraft. Pourtant un certain Winfield Scott Lovecraft se trouve être le protagoniste principal du récit, mais il s’agit du père du célèbre auteur. Lovecraft aurait donc ainsi relaté sous forme romanesque des mythes réels, transmis par son aïeul à travers le très convoité Necronomicon.
Mais contrairement à ce que l’on était en droit d’attendre au regard de la couverture de Benjamin Carré, Sherlock Holmes n’affronte pas Cthulhu ou quelque autre créature monstrueuse. Sa seule confrontation a lieu avec un « dhole », sorte de ver de terre au regard puissant et dévastateur, mais à vrai dire peu impressionnant, puisque tenant dans une boîte d’allumettes.
L’intrigue est quant à elle assez étoffée dans ce premier texte du volume, et permet de mettre en scène le livre fondateur inventé par H. P. Lovecraft. De plus, Rodolfo Martinez s’est bien documenté sur la fin du XIXe siècle, et ajoute au récit des éléments tirés de faits réels, comme la secte Golden Dawn qui a vraiment existé, le personnage d’Aleister Crowley, écrivain et occultiste britannique ayant appartenu à cette secte, ou encore Samuel Liddell Mathers, qui en est le fondateur. On reconnaît en l’auteur un fervent lecteur de Sherlock Holmes, qui respecte les dates, la chronologie, et développe la personnalité et les informations ou explications sur les anciennes aventures d’Holmes et Watson.

Le second récit se déroule de bien entendu dans l’univers du Dracula de Bram Stoker, quelques années après la fin du roman. On y retrouve Van Helsing, toujours aussi déterminé, et le docteur John Seward, qui tient à nouveau  le journal des événements. Là encore, Rodolfo Martinez s’essaie au style narratif de Bram Stoker. Malheureusement l’aventure est  (trop) courte, et sans surprises, mais s’inscrit dans un respect du texte original, et dans une recherche de « véracité ».

Enfin, la troisième histoire n’appartient quant à elle pas véritablement au registre du fantastique :  elle fait allusion aux meurtres de Jack L’éventreur au détour d’un paragraphe, sans autre développement. Cette aventure très brève ne réserve pas de retournement de situation, mais respecte le style d’Arthur Conan Doyle.

Une démarche séduisante mais inaboutie

Sherlock Holmes et la Sagesse des Morts peut décevoir quelque peu son lecteur, de par les fortes attentes qu’il peut susciter. En effet, on espère une véritable rencontre entre l’univers fantastique de Lovecraft, Stoker, et celui du détective anglais. En réalité, Sherlock Holmes touche du doigt cet univers fantastique, mais n’y est pas vraiment plongé, ou du moins la rencontre s’avère moins impressionnante que prévue. Mais les amateurs de Sherlock Holmes apprécieront, pour la recherche de cohérence, et parce qu’il est toujours plaisant de voir revenir d’entre les morts des personnages dont nous pensions ne pas lire de sitôt de nouvelles aventures.

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