Côté nuit
Gene Wolfe, ingénieur de métier, est un auteur américain dont la foi catholique influence les textes. De nombreux prix ont déjà récompensé son œuvre.
Le Livre de Poche a choisi de rééditer sa tétralogie du Livre du long soleil (d’abord parue chez J’ai Lu), dont Côté nuit est le premier tome. Le deuxième volume, Côté Lac, paraîtra fin avril.
Un jeune prêtre investi d’une mission
Lieu de culte mais aussi d’enseignement pour les enfants défavorisés, le mantéion vient d’être vendu à Sangre, un riche malfrat. Pater Organsin, un jeune augure en charge du site, vient de recevoir une illumination, qu’il pense lui avoir été envoyée par la divinité baptisée « L’Autre ». Il croit s’être vu confier une mission : sauver le mantéion, quitte à contrevenir à ses principes.
Religion et technologie
L’univers du Méande créé par Gene Wolfe est tout à la fois empreint de mysticisme et d’objets technologiques. Les « mater », c’est-à-dire des sortes de sœurs à moitié cyborgs, les oiseaux qui parlent, les « pointeurs », « talus », « azoth » ou autres technologies dont les habitants du Méande ont perdu le secret, composent un mélange étrange entre croyances ancestrales et cybernétique, entre monde antique et technologique de pointe. Tout est comme si les habitants avaient perdu le sens de ce qu’ils voyaient et utilisaient, ne pouvant réparer ce qui s’abîme, ces technologies disparues qu’ils ne savent plus recréer. Perdus dans les prières et les sacrifices, ils observent de loin les êtres « aériens » qui les survolent ou les terres célestes, celles des dieux.
Le Méande semble être un monde factice, mathématique : le signe de croix est appelé « le signe de l’addition », les « bits » tiennent lieu de monnaie, et « l’Unité Centrale » de Paradis. Les dieux s’adressent aux mortels par le biais de miroirs, qui permettent également une communication longue distance, telle une interface électronique.
Une prose obscure
Il est difficile de se plonger dans l’univers de Gene Wolfe, et tout aussi difficile d’y rester. Son style ne laisse percevoir qu’en partie le monde du Méande. Peut-être est-ce là un effet voulu, qui doit permettre à la révélation finale d’être plus forte ? En attendant, la lecture de ce premier volume se fait aux forceps, avec des passages qui tirent beaucoup trop en longueur et lenteur, comme par exemple le moment où Pater Organsin tente de s’introduire dans la demeure de Sangre, événement au cours duquel on se surprend alors à décrocher. Toutes les fortes références religieuses qui parsèment le roman lui confèrent par ailleurs une atmosphère assez pesante, qui ne sera pas du goût de tous.
De mauvais augure
La prose de Gene Wolfe, par trop hermétique, ne séduira pas tous les lecteurs. Ce premier volume n’est pas très engageant pour la suite, mais laissons le bénéfice du doute à l’auteur, qui a peut-être éclairci dans les tomes suivants ce que cette première partie a de plus obscur. Seules les dernières pages, qui se concluent sur un cliffhanger, apportent un regain d’intérêt aux déboires de Pater Organsin. En bref, on aime ou pas l’écriture de Gene Wolfe, très particulière, dont on ne peut pas dire qu’elle soit des plus accessibles.