La Fille dans le verre

Depuis son premier roman Physiognomy (qui lui a valu le World Fantasy Award), Jeffrey Ford n'a cessé de nous étonner. Appréciant une science-fiction complexe et "psychologique", on avait eu un peu de mal à apprécier pleinement ses autres romans (notamment L’Au-delà et Memoranda publiés chez J'ai Lu ). Par contre les nouvelles publiées dans Galaxies valaient elles le détour. C'est donc avec envie et aussi un peu de crainte que l'on a vu arriver La Fille dans le verre, le sixième roman de sa biographie et qui lui a valu le prix Edgar Allan Poe en 2006.

Arnaqueur

Diego, Antony et Schell sont des arnaqueurs. Alors que l'Amérique est plongée dans la crise des années 30, ils se font passer pour des spécialistes de l'occulte auprès des personnes fortunées ayant envie de retrouver pour quelques minutes leurs proches décédés. Avec habileté et talent, ils montent donc de fausses séances de spiritisme. Mais un jour en pleine séance, Schell apperçoit l'image d'une fillette dans le verre d'une fenêtre. Une enfant qu'ils retrouveront assassinée quelques jours plus tard. A-t-elle voulu lancer un dernier appel à l'aide à Schell ? En tout cas le voilà parti sur les traces de son meurtrier.

Un bon roman dans l'Amérique de la Prohibition

Avec ce roman qui ne flirte que très rarement avec le fantastique, Jeffrey Ford livre un récit vivant et passionnant autour de sa petite équipe de héros. Des arnaqueurs au grand coeur et que l'on suit par les yeux de Diego, jeune homme de 17 ans qui apprend autant la vie que son métier de faux fakir censé faciliter le dialogue avec les morts par sa seule présence...

Evidemment, on pourra objecter que La Fille dans le verre n'est ni le premier, ni le dernier polar pendant la prohibition. Il y a néanmoins une ambiance, une fraicheur chez le jeune narrateur et une fluidité dans le style qui accrochent dès les premières pages. Les liens très forts entre les personnages (Schell étant un peu le père adoptif de Diego) mais aussi la petite excitation d'un monde à découvrir (celui des arnaqueurs, des femmes-caoutchoucs et de la pègre) et les nombreuses pointes d'humour sont autant d'atouts pour une intrigue bien ficelée. Jeffrey Ford fait également un portrait sans concession et passionnant de cette Amérique des années 30, période de misère et d'impunité pour les riches industriels, période aussi de pouvoir pour le Ku Klux Klan et de développement pour les idées nauséabondes de l'eugénisme.

Sans avoir la complexité de ses romans précédents, La Fille dans le verre a le mérite de la distraction. Un petit polar efficace aux limites du genre.