Christian
- le 31/10/2017
Soul Man
Dans la série Le Casse, aux éditions Delcourt, Chauvel et Denys signent le troisième épisode. Un hold-up à l'américaine (Pittsburgh, Pennsylvanie), loin du froid sibérien ou des collines palestiniennes des deux premiers albums, mais toujours un hold-up diabolique et spectaculaire. Un vol qui a eu lieu quarante ans avant le récit et qui donne lieu à de nombreux flashbacks.
Si David Chauvel s'est attaqué à de nombreux genres en tant que scénariste, comme en témoignent les séries Brigade fantôme, Les Enragés, Arthur, Le Sabre et l'Épée, il est l'auteur chez Delcourt des albums de Mafia Story et de Ce qui est à nous. Deux séries qui mettent en scène la mafia américaine par le biais de la fiction ou de la réalité historique. Il était donc tout désigné pour participer à la création d'un album sur un casse défiant l'imagination.
Entre fantastique angoissant (Dans la nuit chez Delcourt), crimes en série (Comptine d'Halloween chez Delcourt) et police anti-mafia (District 77 au Lombard), le dessinateur Denys était tout désigné, lui aussi, pour contribuer à la série, après Dylan Teague et Richard Guérineau.
Une longue attente...
En 1964, les cinq familles de la mafia de New York décident d'investir massivement, à parts égales, dans un complexe géant à Las Vegas. Pour transporter les fonds, ils font confiance à une petite équipe de tueurs, mais l'argent n'arrivera jamais.
En 2003, au centre correctionnel d'Attica, un jeune amnésique, Félix, est affecté dans la cellule d'un dangereux tueur isolé et passionné de musique, Soul Man. En la compagnie de cette brute épaisse, les gardiens ne lui donnent pas longtemps à vivre. Dès son arrivée, Soul Man le menace et lui donne sept jours à vivre, le temps de deviner pourquoi il a été mis dans ses pattes.
Pendant ce temps, on apprend qu'un ancien détenu qui a connu Soul Man, l'a entendu parler des vingt millions de dollars qu'il avait ravis à la mafia...
Un scénario rusé et plausible
Le scénario de David Chauvel est malin et bien orchestré. Les deux protagonistes, Félix et Soul Man, sont des hommes hors du commun, patients, intelligents et froidement résolus. Ils sont faits pour s'entretuer ou conduire, ensemble, des actions d'éclat. Mais le hold-up fabuleux a déjà eu lieu. Il s'agit maintenant, quarante ans plus tard, de cohabiter et d'en récolter les fruits. Le passé douloureux des deux hommes plaide pour eux. Il les conduit à mentir en permanence et des décennies s'il le faut. Chacun manipule l'autre et, ensemble, les deux manipulent tout le monde (police, justice, mafia). Voilà qui ferait un excellent film américain à la Martin Scorsese.
Les personnages sont crédibles. Le découpage est propre et bien mené. Flashbacks. Répétitions. Alternance de violences et de confidences. La tension est habilement gérée entre périodes d'attente ou de surveillance et scènes de lutte, de meurtre ou de poursuite. Dans les lieux clos, ce sont les dialogues qui conduisent l'action. L'évolution du rapport psychologique entre les personnages est bien retranscrite. Soul Man est-il vraiment l'auteur du vol ? Sait-il réellement où se trouve l'argent ? Qui de Soul Man, Félix ou la mafia va récupérer le magot ? Les réponses ne sont données qu'à la dernière page.
Même s'il est de bonne tenue, le dessin de Denys est un peu moins convaincant. Les visages paraissent assez approximatifs par moment. Les ombres noires sont parfois inappropriées. Les expressions demeurent justes. L'occupation de l'espace et les positions des personnages sont réalistes. Le rôle des décors est plutôt limité. Les couleurs d'Hubert sont sans originalité, mais soignées et sans faiblesse dans les ombrages.
Une très bonne série B, un scénario intelligent, un dessin à la hauteur, et, au final, un album qui surprend agréablement.