stephaneg
- le 31/10/2017
Les Drax
Giacomo C., Djinn, Murena. Autant de titres de séries de bandes dessinées auxquels est associé le nom de Jean Dufaux. En effet, ce Belge né en 1949 en a été le scénariste et elles ont fait sa renommée. Aujourd'hui, en s'associant à Yacine Elghorri, habitué des projets cinématographiques pour lesquels il œuvre comme storyboarder et designer, il s'éloigne de ses univers habituels pour celui de ce dessinateur pour qui il a écrit tout spécialement le scénario de Medina.
La résistance des habitants de la dernière cité
Medina est la dernière ville de la Terre. Une porte spatio-temporelle a vomi à sa surface des monstres qui l'ont ravagée et qui ont contaminé ses habitants. Condamnés à se transformer tôt ou tard en créatures de cauchemars, les derniers survivants de cette humanité exsangue résistent et cherchent un moyen de comprendre et de vaincre Boso 1, l'être qui dirige les monstruosités qui les harcèlent...
Un récit dans lequel rien n'impressionne
Medina se veut, si on en croit l'éditeur et ses auteurs, un projet en dehors des sentiers battus, pour « éviter les pièges du marché à prendre qui transforment certains auteurs en copies carbone, en profiteurs de succès possibles car déjà inscrits ». Et certes, Les Drax, premier tome de cette nouvelle série paraissant chez Le Lombard, n'est pas une bande dessinée qui se base sur un thème très courant dans le Neuvième Art : celui de l'humanité menacée par des monstres et au seuil de son extinction. Le cinéma, par contre, a énormément exploité le terrain fertile du monstre impitoyable, dans de célèbres longs métrages tels que Alien, Starship Troopers, Pitch Black, The Thing... Autant de références dont la parenté entre certaines d'entre elles et Medina est relevée par Jean Dufaux dans sa préface. Le caractère original de son scénario est donc contestable et on se rend vite compte, à la lecture des Drax, que Dufaux n'a fait qu'employer des éléments science-fictifs traditionnels pour écrire une histoire au déroulement entendu.
Medina est en effet la dernière cité des hommes. Menacés par des créatures échappées d'une brèche spatio-temporelle – les Drax –, les humains sont également victimes d'un mal qui les transforme en leurs propres ennemis. Ces derniers doivent donc trouver un moyen d'empêcher les mutations qui finissent par les affecter, mais également survivre à des agressions incessantes. Rien de nouveau sous le soleil, on s'en rend compte. Et ce premier album, au début duquel Karlof, le personnage principal, revient avec son unité d'une mission dont il ramène une prise d'une valeur inestimable – une petite fille enceinte de Boso 1 –, ne fait que mettre en place des éléments qui tous semblent tirés d'autres œuvres de science-fiction : le « look » des Drax rappelle ainsi celui des arachnides de Starship Troopers – bien qu'il puisse aussi évoquer celui des Tyranides des wargames de la société Games Workshop – ; page 36, le lecteur assiste à une scène pendant laquelle un monstre lit les pensées d'un soldat au moyen d'un de ses appendices, comme dans le film cité précédemment ; la forme-enclume fait penser à une ver des sables de Dune ; l'état de gestation d'Hadron et sa puissance physique décuplée rappellent immédiatement le sort d'Ellen Ripley dans le quatrième volet de la série Alien, et cætera.
Il n'y a rien que l'on puisse reprocher à reprendre des éléments déjà exploités autre part puisque c'est chose courante en science-fiction. Toutefois, Dufaux et Elghorri ne parviennent pas à créer, avec ces trop visibles récupérations d'idées, un univers et une histoire innovants, capables de passionner le lecteur averti par une exploitation inédite d'éléments familiers ou par une sublimation de thèmes éculés.
Des choix graphiques qui ne fascinent pas
Nous l'avons vu, Les Drax n'est pas une réussite scénaristique. Le graphisme qui porte l'histoire n'arrange rien. Il est ainsi particulièrement difficile de vouloir poursuivre la lecture de la bande dessinée après la scène d'ouverture. Alors qu'ils veulent évoquer une grande violence et une tension provoquée par un compte-à-rebours contre la mort, les auteurs choisissent un récit à la troisième personne et un découpage des planches en de grandes cases qui laissent le lecteur à distance de l'action. Et de manière générale, Yacine Elghorri ne réussit à aucun moment à rendre familier la cité Medina, dans laquelle se déroule pourtant quatre-vingt-dix-neuf pour cent des scènes, et ses habitants. La ville semble dépeuplée – peut-être à dessein, bien que rien ne le laisse vraiment présumer ; les personnages sont antipathiques – des faux durs – et ont des visages peu avenants, presque inhumains, qui empêchent le lecteur de s'identifier à eux ; les monstres, quand ils sont issus d'hommes ou de femmes et conservent quelques caractéristiques humaines, ont un aspect bien plus souvent ridicule qu'horrifiant.
Elghorri se rachète certes avec quelques planches pour lesquelles la mise en couleur est réussie et la brutalité de l'action perceptible (l'attaque de la forme-enclume, la scène à la station d'épuration...), mais on reste peu convaincu par son travail.
Avec un scénario convenu et un graphisme qui n'impressionne pas, Les Drax entame une série de bandes dessinées dont rien ne nous donne particulièrement envie de découvrir la suite.