BD
Photo de Lapins sur la lune

Lapins sur la lune

Richard Marazano (Scénariste), Luo Yin (Dessinateur)
Aux éditions : 
Date de parution : 03/09/10  -  BD
ISBN : 9782205061154
Commenter
chloe   - le 31/10/2017

Lapins sur la lune

Richard Marazano est un auteur français qui a étudié la bande dessinée aux Beaux-Arts d’Angoulême. Installé aujourd’hui à Bruxelles, il est déjà le scénariste de nombreux albums : Le Complexe du Chimpanzé, Cutie B, Chaabi, Blue Space, Zéro absolu, Téquila Desperados… Le cycle du Rêve du papillon signe sa première collaboration avec Luo Yin, dessinatrice chinoise qui a fait ses classes à Pékin, à la Beijing Film Academy, spécialisée dans l’animation. Lapins sur la lune est le premier tome de la série, qui comptera quatre albums au total.

Tempête de neige

La petite Tutu profite d’un moment d’inattention des adultes pour partir se promener seule dans la neige. Mais une tempête survient. Frigorifiée, Tutu découvre à travers le blizzard une ville inconnue au fond d’une vallée. Elle s’y rend pour demander de l’aide, mais les lapins qui administrent cette étrange cité ne l'entendent pas de cette oreille. Les petites filles sont interdites sur les grands boulevards, et d'autant plus lorsqu’elles sont étrangères. Ces forces de l’ordre un peu cinglées l’emmènent alors au tribunal, où le juge décide de la placer dans une famille d’accueil. Dès le lendemain, Tutu doit aller travailler à l’usine de hamsters…

Un univers insensé et onirique

Le Rêve du papillon tire son nom de la célèbre parabole du philosophe chinois Tchouang-Tseu, qui est citée à la fin de l’album, et dans laquelle il ne sait plus s’il est un homme qui rêve qu’il est un papillon ou s’il est un papillon qui rêve qu’il est un homme. Cette frontière poreuse entre le rêve et la réalité et la fragilité de notre perception de cette dernière semble donc être une des ambiguïtés de cette histoire.

Ce premier tome nous entraîne immédiatement dans un univers tout à la fois merveilleux, absurde, comique et inquiétant. À l’image de Tutu, projetée bien malgré elle dans la vie étonnante de cette cité, le lecteur découvre progressivement les étranges coutumes et les habitants plutôt givrés de cette ville qui semble plongée dans un hiver sans fin.

L’absurdité de la situation n’échappe pas à la petite fille, qui se plie pourtant rapidement aux nouvelles règles qui lui sont imposées. Au cours de son procès, presque aussi insensé que celui narré par Kafka, elle est condamnée de façon express par un juge mécanique. Les lapins aux yeux rouges, tous plus ou moins identiques, sorte de mélange entre les frères Dupont de Tintin et le chapelier fou et le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles, se chargent de la sécurité de la ville. Celle-ci est gouvernée par un empereur que personne ne voit, car il se fait représenter par un robot par peur des attentats terroristes qui sont prédits par ses conseillers.

L’inquiétude règne dans la cité, entretenue par l’anxiété des lapins, et la pauvreté est bien présente. Sous des dehors féériques, cet album présente tout de même un monde assez sombre, où la révolte gronde, menée par le cerf-voleur, ce mystérieux individu volant qui serait le seul à pouvoir aider Tutu à s’enfuir. Coincée ici pour le moment, elle est obligée de faire contre mauvaise fortune bon cœur, mais rencontre vite quelques alliés, comme le chat noir, M. Panda – ouvrier de l’usine friand de vers frais –, ou encore le lapin chargé de l’espionner, qui se révèle plutôt serviable.

Entre Lewis Carroll et Hayao Miyazaki

Les dessins de Luo Yin, très agréables et maîtrisés, s’inscrivent dans la veine du cinéma d’animation, un peu à la manière de Hayao Miyazaki. Les déboires de Tutu rappellent d’ailleurs en partie Le Voyage de Chihiro, où la fillette découvre elle aussi une cité fantastique. Les petites bestioles dans l’eau du bain de Tutu font également écho aux boules de suie de ce même film, et on pense à quelques autres scènes, comme celle du bus, qui ressortent comme autant d’hommages au maître japonais. D’autres éléments se rapprochent du manga, comme par exemple les traits blancs désignant un mouvement brusque ou la force des cris de Tutu. Dans certaines cases les détails ne sont pas négligés, jusque dans les goutte de sueur sur les visages en gros plans, alors que paradoxalement dans d’autres cases – les moins importantes, avec une perspective plus large – le dessin redevient esquissé, comme lorsque Tutu entre dans sa nouvelle chambre avec sa logeuse, et que son visage n’est qu’un ovale rose sans yeux, ni bouche ni nez. Le graphisme, la perspective et le découpage demeurent malgré tout très soignés dans leur ensemble, et sont rehaussés d'une touche personnelle intéressante.

À la fois onirique, inquiétant et drôle, Lapins sur la lune est à recommander chaudement aux grands enfants, aux adolescents et aux adultes, à condition toutefois que les trois autres volumes soient à la hauteur de ce que ce premier tome laisse imaginer au niveau scénaristique.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?