Denis Bajram est l'auteur (scénariste/dessinateur) de Universal War One. Il est aussi co-scénariste de Les Mémoires Mortes. Il est reconnu tant pour ses qualités scénaristiques que pour son art du dessin.
Valérie Mangin a déjà travaillé avec son mari, Denis Bajram, sur Les Mémoires Mortes, projet sur lequel ils se partageaient le scénario. Passionnée d'Histoire – elle a réalisé une thèse dans ce domaine – elle s'attache à travailler des variations sur ce thème, comme dans les Chroniques de l'Antiquité Galactique.
Fabrice Neaud est dessinateur, ayant participé à plusieurs revues et ayant publié une bande dessinée autobiographique intitulée Journal.
Plongée dans le passé
Nous sommes en 1353, un peu avant Pâques. Dans un petit village calme et paisible, les braves gens se préparent à fêter la résurrection du Christ sous le regard bienveillant du seigneur de Charny, maître du lieu et commanditaire de la nouvelle église en cours de finition. Venu avec sa femme et son chapelain, le chevalier est observé par tout le monde.
Luc, lui, est sculpteur. Il arrive avec pour mission de finir un retable pour l'église. Ce que l'Histoire a retenu de ce jour et de ce lieu, c'est la découverte d'une relique datant de la mort du Christ : le Saint Suaire. Entourée de mystères, cette réapparition a secoué l'Église pendant longtemps et continue encore aujourd'hui de susciter des polémiques.
Et si...
Admettons que Dieu existe. Comment a-t-il donc fait pour que la relique, tenue cachée depuis plus d'un siècle et demi, retrouve la lumière du jour et soit exposée dans un lieu consacré ?
Mais peut-être que Dieu n'existe pas. Dans ce cas, qui donc avait intérêt à montrer cette relique, qui l'a faite et d'où vient-elle ?
Et si la vérité était ailleurs, encore ? Si l'univers lui-même avait joué avec nos croyances et, se servant de propriétés physiques, avait précipité la réapparition de cet objet caché depuis les Croisades ?
Une idée originale
Le scénario de cet ouvrage ne ressemble à aucun autre, explorant trois possibilités exclusives l'une de l'autre, mais plus ou moins possibles. Il nous manipule, envisageant trois hypothèses et créant un lacis d'interactions entre les personnages qui se fondent en écho d'une partie dans l'autre. Il y a donc trois histoires en une, trois intrigues qui partent du même point, pour aboutir au même final, mais à l'histoire totalement disjointe.
Les dialogues, déjà intéressants en eux-mêmes, deviennent encore plus savoureux lorsqu'ils se retrouvent, d'histoire en histoire, placés dans des contextes différents avec une égale justesse. Les personnages sont les mêmes, avec leurs caractères, leurs faiblesses et leurs désirs, mais l'enchaînement différent les entraîne chaque fois ailleurs, par des chemins différents.
Un graphisme d'exception
Denis Bajram a déjà prouvé, dans le passé, ses qualités indéniables de dessinateur. Mais avec cette bande dessinée, il tente une nouvelle approche du dessin, un graphisme expérimental et très imaginatif. Et il réussit parfaitement à créer une ambiance très particulière qui colle à l'histoire avec une justesse incroyable. Utilisant une technique pointilliste très personnelle, il arrive à diffuser aussi bien des ambiances que des expressions avec un excellent rendu.
On ne peut pas en dire autant du dessin à l'encre, très classique et même un peu simpliste, de Fabrice Neaud. Toutefois, les pauses qu'il nous donne entre les histoires sont à leur place, leur dépouillement apparaissant en contraste de la couleur chaude et de la puissance du dessin de Bajram.
Mais un scénario qui s'essouffle un peu à la fin
Des trois parties qui constituent les facettes de l'histoire, les deux premières sont parfaitement rendues, avec un fil conducteur totalement maîtrisé et qui happe le lecteur. La comparaison de ces deux possibilités est prenante et le lecteur se surprendre parfois à rechercher dans les pages précédentes la case ou les dialogues qui font écho à ce qu'il est en train de lire.
Le troisième volet est un peu décevant, pas à la hauteur du début. La scénariste flirte avec les modifications génétiques, mais sans expliciter s'il s'agit de la réalité ou des délires d'un ivrogne. Elle ne va pas jusqu'au bout de son discours, restant finalement dans une sorte de brouillard de banalité qui déçoit.
Toutefois, l'ensemble des trois parties fait de cet album un objet rare, dans la manière dont tant les textes que les images sont répliqués, modifiés et réutilisés à l'envi. Un album épais, mais parfaitement digeste.