Le rêve de Galilée
Ouf ! Pas fâché d’arriver au bout de ce pavé de 600 pages ! Tout maitre de la SF que puisse être Kim Stanley Robinson (auteur notamment de l’excellente Trilogie martienne), son dernier ouvrage laisse assez songeur. On hésite entre saluer un travail biographique impressionnant sur la vie de Galilée et descendre un univers fictionnel déconnecté, déstructuré et finalement peu convainquant.
Galilée rencontre Jupiter
En 1609, Galilée rencontre un étranger qui l’aide à mettre au point son telescopio, grâce auquel il fait sa découverte majeure : les satellites de Jupiter. Ses recherches astronomiques lui permettent ensuite de démontrer scientifiquement les théories de Copernic, puis, plus tard, d’être accusé d’hérésie. Mais l’étranger n'en reste pas là. Il invite Galilée à le suivre dans son monde Jupitérien, celui précisément que le savant vient de découvrir. Précipité à travers le temps sur Europe, la deuxième lune de Jupiter, en 3020 après JC, Galilée découvre les multiples dimensions de l’espace et du temps. Et sa caution morale de scientifique découvreur des Lunes Galiléennes auprès des autochtones s’avérera décisive pour aider le Conseil Jupitérien prendre un certain nombre de décisions cruciales.
Biographie ou fantastique?
Il est difficile de ne pas se dire que Robinson lui-même a hésité entre rédiger une biographie de Galilée et céder à son imagination fictionnelle.
Le travail biographique est excellent, très fouillé, s’appuyant sur la correspondance de Galilée pour développer une mise en scène au quotidien de ce personnage éruptif et attachant, devant sa famille, ses serviteurs ou ses détracteurs. On aborde ses recherches et ses fulgurances mathématiques, son écriture philosophique, ses visites catastrophiques à Rome et son procès devant l’Inquisition, tout en se confrontant à son caractère de cochon têtu, ses 248 femmes, et son inaltérable foi catholique.
Mais entre ces chapitres biographiques, Robinson s’est proposé de balancer Galilée dans le futur. On ne saisit pas vraiment où l’auteur veut en venir dans ses aventures fiction. Bataille dans les étoiles sans armes entre Io et Europe (le code de la guerre Jupitérien est très strict) ; carnaval animalier inspiré des dieux égyptiens sur Ganymède ; analyse des dix (!) dimensions spatiales et temporelles ; psychanalyse moralisante et normative de Galilée et du rapport aux femmes à la Renaissance dans un vaisseau cosmique high-tech ; rencontre sous-marine avec l’âme baleinière de Jupiter qui, elle, sait différencier les bons des méchants… Mais au fait, qu’est-ce qu’il fait là, Galilée, à la base ?
Mais qu'est-il allé faire là-bas?
Les passages d’un chapitre à d’autre, de l’Italie aux satellites, sont assez peu convainquant : au retour, Galilée aspire un peu de poudre censée lui faire perdre la mémoire de ce qu’il vit, voit et apprend sur Jupiter, dans le futur et sur lui-même. Mais toutes ces aventures continuent à agir sur son subconscient. Et Galilée d’apparaitre comme un homme fortement perturbé psychologiquement mais qui finalement prendra la bonne décision visionnaire pour échapper au bûcher…
Des questions se posent : Pourquoi Galilée aurait-il eu besoin d’aller se balader dans le futur et sur les satellites de Jupiter pour développer son génie ? L’auteur avait-il vraiment besoin de Galilée pour développer un récit fictionnel finalement doté d’un certain potentiel mais qui pêche par une déconnexion toujours plus grande entre l’Italie du XVIe et le système jupitérien du IVe millénaire ? Une déception...