Harmonie

Itoh Keikaku (1974-2009) est l’un des plus grands auteurs japonais de science-fiction. Harmonie a été récompensé des prestigieux prix japonais Seiun award et Nihon SF taisho. En 2010, après la mort de l’auteur, le roman a reçu le prix spécial du jury lors des Philip K. Dick Awards.

Une belle utopie

Dans un futur proche, l’humanité a atteint un idéal social grâce à une morale toute puissante et à une nanotechnologie de pointe. La vie humaine est devenue la ressource la plus précieuse au monde, et la société s’assure de la protéger grâce au WatchMe, un réseau mondial auquel chaque être humain est connecté.

Tuan Kirie travaille pour l’Organisation mondiale de la santé. Chargée d’enquêter sur une série de suicides qui semblent être l’oeuvre d’un groupe terroriste manipulant WatchMe pour prendre la société en otage, elle devra plonger dans son passé pour empêcher le monde de sombrer dans la folie.

Un monde aseptisé

Harmonie met en scène une société hygiéniste dont les fondements ne sont pas sans rappeler des chefs-d’œuvre du genre, tels que Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, ou encore 1984 d’Orwell sur certains aspects, Big Brother n’étant jamais très loin. Le récit se déroule selon le point de vue de l’héroïne, avec des encarts évoquant son passé. Le personnage principal est complexe, et son activité la place à la marge du reste de la société, ce qui nous permet d’en cerner les limites et les aspects les plus déplaisants. Même si tout semble sous contrôle, on trouve une civilisation qui doute et essaie de contrôler les craintes de tout un chacun, sans y parvenir complètement. La peur est toujours là, en sourdine...

La narration apporte un constat presque clinique sur la situation, et correspond parfaitement à la société en place, dont les mécanismes finissent par détruire toute velléité de révolte. Il reste toujours une place au choix, mais à quel prix ? L’auteur nous livre ici un roman sombre et sans concessions, où le bonheur est loin d’être à portée de main. Un récit qui fait réfléchir, et qui montre s’il en était besoin que rien n’est jamais parfait ici-bas. On saluera aussi l’excellente traduction anglaise du texte, qui permet à la version française d’être fidèle au texte japonais, sans perte de sens ou contresens notables. Un excellent roman, justement récompensé !