À la découverte du monde !
Le roi des Haults-Prés décide un jour qu’il est temps de libérer ses quatre fils pour qu’ils puissent partir à l’aventure. Chacun d’eux va tirer à courte paille : trois d’entre eux se verront attribuer une région à parcourir, le Nord, l’Est ou l’Ouest, tandis que l’un d’eux devra rester au château pour plus tard, devenir le futur roi. C’est Rodolphe, le cadet, qui écope de cette dernière mission. Mais, bien vite, le jeune chevalier qui piaffe d’impatience, quitte le royaume sans en avertir son père, et part pour le Sud où l’attendent l’aventure, la magie, et l’amour.
Rodolphe est l’archétype du jeune chevalier au cœur pur qui ne rêve que de réaliser des exploits. En plus d’être un roman de chevalerie, Le puits au bout du monde ressemble à un roman d’apprentissage. Mais avant de partir pour de bon, Rodolphe trouve bien vite une quête, grâce à sa marraine. Elle lui parle d’un mystérieux Puits au bout du monde, dont l’eau aurait des propriétés magiques sur celui qui en boit. Rodolphe part donc à sa recherche, et entre-temps, découvre les mœurs des habitants des alentours. Ainsi, il traverse une abbaye où le clergé se noie dans le luxe et il découvre la cruauté des habitants des Quatre-Bosquets, qui transforment les femmes de leurs ennemis en esclaves. Rodolphe s’étonne, se révolte parfois, et poursuit sa route grâce à de nombreuses rencontres.
Il croise plusieurs personnages, possédant tous un trait de caractère très marqué, qui le guident et l’instruisent sur les pays qu’il traverse. Malgré ces aides, Rodolphe doit faire face à de nombreux dangers. Il se fait plusieurs fois capturer par d’autres chevaliers et échappe de justesse à l’emprisonnement dans ces deux tomes. C’est dans le Bois du Péril qu’il tue pour la première fois deux hommes qui tenaient enchaînée une magnifique dame. En la libérant, il va connaître l’amour, et ses tourments… Cette dame-là rend fous, bien malgré elle, tous les hommes qui ont le malheur de poser leurs yeux sur elle. Elle est celle qui introduit le fantastique dans le récit et qui ne cessera de hanter notre héros… mais ça ne l’empêchera pas de vouloir retrouver la trace d’une charmante jeune femme rencontrée dans une auberge, Dorothée ! Au fil des pages, le Rodolphe candide et ébahi du début acquiert de l’expérience, commence à se méfier et chemine doucement sur la route du Puits…
Des rencontres, la découverte de nouveaux pays, la quête d’un endroit magique et de l’amour, tout est là pour faire de cette saga une aventure que l’on suit avec plaisir. De plus, William Morris sait comment mener son histoire et nous tenir en haleine, du début à la fin !
L’art de conteur de William Morris
Le récit, découpé en chapitres relativement courts, se lit très facilement. Il ne faut pas être féru de fantasy ou de littérature médiévale pour apprécier les aventures de Rodolphe ! L’art de conteur de William Morris y est pour quelque chose : il n’en dit ni trop, ni pas assez, laissant pile l’espace nécessaire pour que notre imagination fasse le reste. Les paysages que les personnages traversent sont à la fois très réalistes, sans que l’auteur s’attarde sur des pages et des pages. En juste quelques mots parfaitement choisis, une scène peut nous transporter ou nous émouvoir fortement. Le meilleur exemple se trouve sûrement dans le deuxième tome avec une scène triste et poétique. C’est la fin de l’innocence de Rodolphe qui reste prostré, fou de douleur, devant le corps sans vie d’une dame – dont je tais l’identité, pour ne pas vous gâcher le récit. Évidemment, il faut saluer le travail de traducteur de Maxime Shelledy qui a rendu parfaitement accessible un texte de la fin du XIXe siècle tout en conservant le vocabulaire de la chevalerie.
Quant au déroulement de l’histoire, on suit donc avec curiosité les aventures du héros qui rencontre sans cesse de nouveaux guides, avec peut-être une petite déception : celle que tous ces personnages ne soient pas un peu plus étoffés… Dans le premier tome, les rencontres et les dangers s’enchaînent, tandis que Rodolphe chemine doucement vers le Puits. Le deuxième tome fait la part belle aux récits des autres personnages, notamment l’histoire de l’enchanteresse qui, pendant quatre-vingts pages, se confie à Rodolphe, et lui en dit aussi plus sur le mystérieux Puits.
La quête de l’eau merveilleuse, même si elle passe parfois au second plan, n’est jamais très loin. Ainsi, Dorothée, la jeune aubergiste que Rodolphe part sauver à la fin du tome 2, est elle aussi concernée par la recherche du puits magique. William Morris tient ainsi son lecteur en haleine mais nous laisse parfois trop en suspens : à la fin de La route vers l’amour, Rodolphe était fait prisonnier, et à la fin de La route des dangers, il ne s’est pas encore échappé du périlleux royaume d’Outre-Malmont !
Merci aux Forges de Vulcain de nous offrir une saga plaisante à lire, et surtout de mettre à notre portée les textes d’un auteur qui sont la base de la fantasy moderne ! On attend le troisième, et avant-dernier tome, avec impatience !