Empire of the dead - 1
Amateurs de morts-vivants, vampires et autres créatures très réjouissantes, est-il encore nécessaire de vous présenter George Romero ? Cet acteur, producteur, réalisateur, scénariste, auteur américano-canadien a, comme vous le voyez, beaucoup de cordes à son arc. C’est en 1968 qu’il prend un grand virage, et qu’il produit et réalise, avec un budget dérisoire de 114 000$, La nuit des morts-vivants. Ce film d’horreur deviendra un classique du genre, indémodable. Il prend un malin plaisir à intégrer dans chacun de ses films une critique personnelle de la société américaine et de ses vices. Paraîtront par la suite pas loin d’une vingtaine de films, dont certains très connus, comme La nuit des fous vivants, Martin, Zombie, Le jour des morts-vivants, ou dernièrement Le vestige des morts-vivants. Il sort cette année un comics, Empire of the Dead, qui a la particularité de mêler à la fois les morts-vivants et les vampires !
Alex Maleev est un dessinateur bulgare. Une fois aux Etats-Unis, sa carrière se dirige logiquement vers les comics, et il illustre des petites séries, avant de s’attaquer à des chapitres et séries de grands comics comme Daredevil, Moon Knight. Ses contributions sont nombreuses dans le paysage des comics américains.
Mise en quarantaine.
Voilà cinq ans que les morts-vivants ont fait leur apparition dans New-York. Pour prévenir toute catastrophe à l’échelle mondiale, la population de Manhattan est alors mise en quarantaine. Mais c’est loin d’être une situation simple quand les vivres viennent à manquer, que les morts-vivants sont de plus en plus nombreux, et que les distractions disparaissent…
Heureusement, le maire a fait construire une arène où l’on fait combattre des morts-vivants entre eux pour amuser les foules... mais de tels jeux nécessitent de la chair fraîche ! Epaulé par le SWAT, Paul Barnum écume les coins les plus glauques pour y dénicher des zombies à faire combattre, idéalement les plus dangereux.
La jeune Penny Jones est pédiatre, mais officie comme généraliste pour donner un coup de main à l’hôpital. Persuadée que les zombies ne sont pas forcément agressifs, elle se débrouille pour en attraper un et l’étudier. Si seulement elle pouvait trouver un moyen de cohabiter tous ensemble…
Pourtant les problèmes ne font que commencer ! La ville est dirigée par des vampires, dont l'existence est encore inconnue du public…
Premier tome d’une trilogie.
Ce premier tome, regroupant cinq mini-épisodes publiés initialement aux Etats-Unis, n’est pas sans rappeler la trilogie cinématographique des morts-vivants du même auteur.
Le scénario est dans la lignée directe des réalisations de Romero. Bien que très classique (apparition de morts-vivants bouffeurs de cervelles, ville mise en quarantaine…), il se démarque en jouant sur plusieurs tableaux différents ; en multipliant ainsi les lieux et les intrigues, le lecteur suit une histoire à plusieurs échelles. Les pages se tournent et la complexité du récit et des personnages gagne en ampleur, grâce à une construction efficace. Le tout n’est pas purement linéaire, et l’association des morts-vivants et des vampires est très prometteuse : elle laisse espérer qu’un lien complexe entre les deux créatures pourra permettre au scénario de s’envoler complétement.
Romero développe des aspects déjà présents dans certains de ses films : l’intelligence et le souvenir chez les morts-vivants. En effet, ceux-ci ne sont plus de simples tas de chair, mais bien des êtres à part entière, qui semblent être en mesure d’utiliser des souvenirs ancrés en eux mais aussi de faire preuve d’intelligence, notamment pour se protéger ou se réfugier. Si cet aspect peut franchement rebuter les fans des zombies canoniques, il pourra convaincre ceux qui apprécient des monstres qui sortent des sentiers battus, déjà observés dans d’autres œuvres cinématographiques ou littéraires.
La présence du vampire en association avec les zombies est d’une grande originalité dans l’œuvre de Romero. S’il avait déjà revisité le mythe du vampire dans Martin, il décide maintenant d’allier les deux. Pour le moment, la présence de ces êtres buveurs de sang n’est pas totalement justifiée, et le lecteur continue de se demander ce qu’ils font là. Espérons que les prochains tomes s’attarderont un peu plus sur leur cas pour chambouler nos idées préconçues !
Du côté du dessin, Alex Maleev illustre l’ensemble avec une ambiance lugubre. L’ensemble manque un peu d’homogénéité, mais le ton est donné à chaque planche, avec un trait dur, carré et haché qui vient rythmer le récit. Avec un style très sombre, l’enchaînement des cases n’est pas toujours aisé et la lecture peut nécessiter parfois de revenir en arrière pour saisir certains détails. On ressent une certaine pesanteur, un certain poids qui nous tombe dessus, rajoutant ainsi à l’ambiance déjà glauque. L’ensemble reste tout de même convaincant pour qui accrochera à la touche de Maleev.
Rappelons que Romero avait qualifié The Walking Dead de « Soap-Opera ». La parution d’Empire of the Dead était-il un moyen pour lui d’essayer de se démarquer d'une vision des morts-vivants qui ne lui convient pas ? Si c’est le cas, le résultat n’est hélas pas à la hauteur et la comparaison n’est pas vraiment possible. Il explore des pistes trop différentes pour que l’un puisse effacer l’autre.
Comme dans toutes les œuvres de Romero on retrouve une certaine critique de la société. Mais ici, voulant sûrement être efficace, le message est trop grossier et simpliste ; les morts-vivants représentant la classe laborieuse, agglutinée en masse, ne s’exprimant pas, et les vampires suceurs de sang représentant les politiques à la tête de la ville, assujettissants les classes inférieures pour leur propre profit. Le fait de doter les morts-vivants d’une intelligence et de sentiments permettra-t-elle d’inverser les rôles ?
Ce premier tome est agréable sans plus, mais appelle tout de même à lire la suite, en espérant qu’elle soit plus palpitante et percutante.