Les Veilleurs
Le cas Connie Willis
Onze prix Hugo (dont pour
Black-out), sept Nebula, douze Locus : Connie Willis pourrait prétendre au titre d’auteur de science-fiction la plus primée de l’histoire ! Elle a commencé à publier en 1982 et s’est faite remarquer du fandom en construisant ses histoires à partir de questions en apparence saugrenues : « peut-on vivre à l’intérieur d’un trou noir et le faire savoir à Einstein (qui serait ravi de l’apprendre, dixit le critique cynique) ? » ou « une théière perdue annonce-t-elle la fin du monde (en tout cas ma grand-mère m’aurait flanqué une belle rouste si j’avais perdu la sienne, dixit le critique en verve) », etc. Elle est aussi louée pour son humour so british… Soit. Le critique acerbe avoue ne guère goûter Connie Willis. Si
Black-out était basé sur une bonne idée, la longueur du livre et la tendance au verbiage de l’auteur ont laissé un souvenir amer (ce livre est par contre idéal pour caler un meuble ou une colonne à CDs).
Les Veilleurs est un recueil de nouvelles, le critique inquiet se rassure alors en se disant que la brièveté va peut-être aider servir Willis…
Brièveté et Willis ne vont pas ensemble…
Une nouvelle signifie chez Willis entre vingt et cent pages d’histoire… Autant dire qu’on est souvent plus proche de la novella. À part ça, on trouve de tout dans
Les Veilleurs. La nouvelle éponyme reprend l’univers de
Black-out et
All Clear, avec ces voyageurs temporels d’Oxford perdus au moment du Blitz. Si les deux romans pâtissaient nettement de leur trop grande longueur, cette nouvelle bénéficie de sa brièveté et est plutôt efficace, sans être pour autant d’une originalité fulgurante. Idem pour "Une lettre des Cleary" (prix Nebula 1982, et d’un) qui dessine progressivement, à travers les activités et dialogues d’une poignée de personnages un monde post-apocalyptique. Humaine et glaçante à la fois, cette histoire dispose bien le critique envers Willis. C’est sans compter sans "Morts sur le Nil", où elle essaie de rendre hommage à Agatha Christie de façon très nébuleuse et longue…
Le sentimentalisme, voilà l’ennemi
Longue aussi "Les vents de Marble Arch", où les morts de la Seconde Guerre mondiale viennent hanter un couple dans le métro londonien (encore le Blitz !). "Tous assis par terre" raconte une histoire d’extraterrestres d’Altaïr qui viennent sur Terre et ne parlent pas, adoptant une attitude agacée devant les humains : aussitôt cela rappelle à la narratrice sa vieille tante (!) qui avait la même attitude parce que son comportement ne correspondait pas à ce que sa tante attendait d’elle…
Trop de dialogue tue le dialogue
Une caractéristique de Willis est de faire avancer ses histoires par le dialogue. Du coup ses personnages parlent beaucoup, trop, beaucoup trop et le lecteur s’ennuie et finit par perdre le fil. Peut-être cela correspond-il aux attentes d’une partie du public en « anglo-saxonie ». Le critique écœuré est au bord de rendre les armes et de jeter le recueil quand il commence "Le dernier des Winnebago"…
Une lueur fragile…
Cette nouvelle parle d’une société fragilisée par l’amenuisement du pétrole et d’une humanité qui n’a plus ses meilleurs amis, les chiens, tous terrassés par une épizootie foudroyante. Et la nouvelle fonctionne, émeut le critique blasé, peut-être parce qu’il s’identifie au narrateur et adore la race canine… Willis n’est donc pas sans talent. Reste que Les Veilleurs ne convaincra que ses fans (et ils sont nombreux, je le sais).