Pistolin, berger de son état, en a marre de toutes ces créatures magiques qui pourrissent la vie de son village. Après une énième mésaventure, il décide de débarrasser le monde de ces mages et leurs guerres incessantes. Sa dernière brebis Myrtille sous le bras et ses pécadous dans le sac, il part à l’aventure. C’est bien beau de vouloir traquer les mages, mais par où commencer ?
On se rit des codes du genre
Traquemage s’inscrit clairement dans la parodie de high fantasy. Le héros n’est pas un preux chevalier, mais un berger ordinaire en colère. Et les héros valeureux en quête de sauver le monde deviennent les méchants, qui détruisent villages et troupeaux sur leur route sans considération pour le petit peuple. Un retournement de situation qui présage de nombreuses entorses volontaires aux codes de la fantasy dans les tomes à venir.
Premier volume d’une série, Le serment des pécadous met l’univers en place, avec les habitudes du genre : un événement déclencheur, un individu ordinaire qui décide de partir à l’aventure, l’arrivée de nouveaux compagnons de route, et les premières péripéties qui posent les fondations de l’histoire à venir. Le tout arrosé d’une rasade d’humour rural et loufoque. Pour le scénariste, les codes du genre deviennent outils de dérision, ce qui a dû beaucoup amuser le dessinateur dont les traits servent l’histoire à merveille.
« Tu avais un métier avant de te lancer dans la chasse aux mages ? Oui, j’étais berger, et je faisais du fromage. »
Le retournement de genre ne s’arrête pas à notre héros berger. La magie devient le fléau à anéantir, et les compagnons de route du héros sont une brebis apeurée et une fée beurrée. Les personnages sont tout de suite attendrissants sans jamais vraiment se prendre au sérieux, mention spéciale à la brebis aux expressions faciales extraordinaires.
Une fois nos héros sur la route, les auteurs ne cessent de rire des poncifs du genre : les lecteurs y retrouveront Dragons, fées, elfes des bois et autres dans une aventure barrée qui ne recule devant rien. Le tout en apportant suffisamment de contexte et d’âme à ses personnages pour que le lecteur ait envie de connaître la suite.
C’est rigolo, mais c’est cru
Si le ton de Traquemage est un peu potache, ce n’est pas une raison pour le mettre entre toutes les mains : on y voit du sang, des morceaux de mouton, des morts atroces... Nous avons donc bien affaire à un univers mature, même si le ton se veut léger et si les auteurs ne se prennent pas au sérieux. Les amateurs du genre y verront une critique des clichés, bien sûr, mais pourquoi pas un petit quelque chose en plus : les petites gens qui payent les conséquences des guerres des grands, par exemple.
Le dessin est lui-même plutôt mature et réaliste. Le dessinateur s’est prêté au jeu de la fantasy rurale avec beaucoup de talent et les personnages prennent vie, même—surtout—Myrtille, la brebis peureuse de Pistolin. Les planches regorgent de petits détails décalés, de personnages hauts en couleurs et posent une ambiance à la fois bien traditionnelle et complètement loufoque.
Le serment des pécadous pose donc les bases d’une série de fantasy loufoque volontairement traditionnelle mais mature, introduit des personnages hauts en couleurs auxquels on s’attache déjà et met en place les rouages du scénario de Traquemage. Le dessin est fin et immersif, et l’histoire réussit la prouesse d’être à la fois commune au genre fantasy et unique en son genre. Peut-être Lupano et Relom ont-ils réellement inventé la rural fantasy…