Star Wars : intégrale des épisodes I, II et III

L'auteure de cette chronique l'avoue tout de go : elle a grandi avec la trilogie originelle Star Wars et n'est guère enthousiaste face à la prélogie (doux euphémisme).

Pourtant, l'idée d'en découvrir l'adaptation romanesque était séduisante. Tout d'abord, parce que l'exercice de novélisation a quelque chose d'étrange en soi. Comment fait-on pour rendre compte scripturalement du déroulement narratif visuel d'un film et réinventer sa grammaire visuelle pour la transformer en objet textuel qui ne soit pas un simple duplicata ? Comment s'approprie-t-on la création d'un autre et la recrée-t-on ? Est-il possible de dépasser l'aspect purement commercial de cette réécriture, souvent commanditée par une industrie avide de s'enrichir en démultipliant le merchandising entourant un film ? Pour le fan, quel intérêt peut offrir ce surplus narratif ? Pour l'auteur, comment gère-t-il cette écriture sous contrainte ?

Ensuite, parce que l'on ne peut s'empêcher de rêver secrètement que l'auteur saura dépasser la contrainte d'écriture pour combler des failles scénaristiques, des manques dans le développement narratif des personnages... ce qui, pour une prélogie cinématographiquement ratée, relevait du défi.

La Menace fantôme - Terry Brooks

Délaissant les univers de Shannara et Landover, Terry Brooks s'est donc frotté à l'opus le moins intéressant de cette prélogie. Ce roman sent essentiellement la commande commerciale, collant au plus près possible du sujet originel et proposant peu de stimuli narratifs : à part quelques poignées de pages où Brooks tente de souligner l'aspect unique d'Anakin et de faire ressortir en lui le futur Élu annoncé par les prophéties, le roman s'avère aussi décevant que son film-source et apporte très peu d'angles de vue nouveaux.

 

Coupé de l'esthétique inventée par Lucas et du moindre stimuli visuel (Brooks s'en tient en effet à des descriptions fort sommaires ou à des noms exotiques dont les consonances étranges sont censées stimuler l'imagination et visent surtout à tester les connaissances du fan), le lecteur se retrouve confronté à toutes les failles scénaristiques qu'il avait pu ressentir à la vision du film : les personnages de Qui-Gon Jinn et Darth Maul, à peine esquissés, disparaissent sans avoir le temps d'avoir le moindre impact sur l'histoire – la menace Sith étant bien plus efficacement développée dans les tomes suivants et l'impact moral de Qui-Gon étant peu traité ; les troubles politiques (le blocus d'une planète entière) sont esquissés et peu approfondis ; les dialogues de l'insupportable Jar-Jar Binks sont hélas tous présents, ainsi que la scène de flirt, assez malsaine, entre un Anakin enfantin et une Padmé bien trop âgée pour lui.

Si Brooks resserre davantage son récit, celui-ci ne fonctionne hélas pas et s'avère aussi ennuyeux que le film.

L'Attaque des Clones - R.A.Salvatore

 

Narrativement plus stimulant que son prédécesseur, ce deuxième opus s'avère plus efficace, quoiqu'il présente des longueurs dommageables. Il faut dire que la trame scénaristique est mieux pensée (développement de l'esprit d'indépendance d'Anakin et de son amour pour Padmé, en parallèle de la découverte d'une armée de clones et de la suspicion de la présence d'un seigneur Sith au Sénat) et que l'on rentre enfin dans ce qui aurait dû être le cœur de cette prélogie : la naissance d'Anakin Skywalker et sa transformation progressive en Dark Vador, par tout un réseau de lignes de faille (colère, transgression, meurtres) qui se mettent doucement en place.

Salvatore réussit à s'approprier davantage le récit que n'a pu le faire Brooks, en insérant, notamment,  les pensées (confuses) des amoureux transis et en soulignant leur tiraillement entre passion et devoir. Si on peut regretter, bien sûr, le développement décevant de Padmé, qui, de femme d'action dynamique se transforme en jeune sénatrice à protéger (se souvenant brusquement qu'elle est capable de combattre, en fin de volume), l'histoire d'amour semble un peu plus crédible et intéressante qu'elle ne pouvait l'être dans le film.

Salvatore échoue, cependant, à trouver un bon rythme narratif dans l'enchaînement des dernières scènes d'action : après de très longs développements autour de l'enquête menée par Obi-Wan et de l'évolution d'Anakin, celles-ci sont expédiées, mal liées les unes autres, et manquent de ce souffle épique que l'on serait en droit d'attendre au cours d'un final.

On notera enfin une coquille de traduction assez amusante pour le lecteur français : le diminutif d'Anakin devient "Annie"...
 
La Revanche des Sith - Matthew Stover
 

C'est, de loin, l'opus le plus réussi, tant d'un point de vue scénaristique que stylistique : Matthew Stover parvient à se réapproprier l'univers de Lucas et à se créer sa propre voix de conteur, qui sait entraîner le lecteur dans son sillage et regrouper tous les fils narratifs tramés par ces prédécesseurs pour en souligner l'importance et l'impact. Sous sa plume, l'univers de Star Wars redevient un peu ce conte dans l'espace avec lequel de nombreuses générations ont grandi.

On regrettera (comme pour le film) de trop nombreuses longueurs, quand on aurait voulu que l'intrigue se resserre pour mieux faire ressentir l'extinction de l'Ordre Jedi, le basculement d'Anakin du côté obscur de la force et la perfidie parfaitement exécutée de Palpatine : l'impact tragique n'en aurait été que plus réussi et Dark Vador aurait pu, qui sait ?, devenir, plus qu'une icône de la pop culture, un véritable héros romantique byronien.

Faute d'atteindre ces sommets rêvés, le roman propose un divertissement d'honnête facture et se lit sans déplaisir.

 

 

Disons, pour conclure, que cette intégrale semble surtout s'adresser aux fans absolus des trois premiers volets, qui verront sans doute plus, sous cette jolie double couverture abritant 1140 pages, que ce qu'a pu y trouver une lectrice simplement curieuse de découvrir la "mise en narration" de trois films peu appréciés.