Scintillements
Un géant de la science-fiction française
Ayerdhal (1959-2015) a marqué la science-fiction française avec une œuvre prolifique, récompensée par de nombreux prix (dont deux Grand Prix de l’imaginaire). Le Fleuve noir le publie au début des années 1990 pour la première fois avec
La Bohême et l’Ivraie, puis
Mytale, deux space opera qui suscitent l’intérêt du lectorat par son ton irrévérencieux et volontiers polémique. Il persévère avec succès sur
L’Histrion (J’ai lu, 1993) et
Sexomorphoses (J’ai lu, 1994). Également anthologiste (
Genèses, J’ai Lu 1996), Ayerdhal a écrit un roman à deux mains avec Jean-Claude Dunyach,
Étoiles mourantes, très controversé à sa sortie, et a aussi écrit des thrillers, comme
Transparences,
Résurgences et
Rainbow Warriors. Les éditions Au Diable Vauvert ont publié en 2016 un recueil de ses nouvelles,
Scintillements, comme un ultime hommage à son talent.
Un panorama éclectique
Il y a de tout dans cette anthologie. On trouve des textes de jeunesse comme « Mat, mat, mat », coécrit avec son frère Bruno Soulier, ou « Lettre d’anamour », où le futur Ayerdhal se cherche. « Vieillir d’amour » est une histoire touchante sur une femme télépathe qui a besoin de jeunes hommes pour rester éternellement belle. Reste que c’est « Scintillements » qui donne ici une pleine mesure du talent de nouvelliste d’Ayerdhal. Publiée initialement dans Escales sur l'horizon, anthologie composée par Serge Lehman pour le Fleuve Noir en 1998, cette nouvelle a connu de nombreuses rééditions et c’est normal. Elle nous transporte dans un monde, où depuis plus de six cents ans, les Terriens et les Batiks sont en guerre. Le xénologue Edgin est sollicité par l’armée pour comprendre ce qui s’est passé sur Trense 6-14, un satellite pris d’assaut par les humains. Edgin y découvre des milliers de cadavres, les Batiks ayant préféré le suicide collectif à la reddition. Pourquoi ? Voilà une excellente nouvelle qui donne une idée du talent d’Ayerdhal, humaniste en colère.
Un auteur politique
On sait qu’il fut très à gauche, défenseur scrupuleux et courageux du droit des écrivains. Ayerdhal est volontiers anarchiste dans ses écrits et propose dans « Pollinisation », un des autres sommets du recueil, une extrapolation d’une société qui refuse d’être intégré dans un super état galactique, l’homéocratie, déjà présente dans nombre de ces romans. Il y attaque aussi le colonialisme, transposant ici un débat politique encore contemporain. Cette sensibilité libertaire, volontiers moqueuse comme dans « Jessie, le retour » (ou comment se moquer de la religion chrétienne en étant drôle), irrigue chacune des nouvelles du recueil. Bien sûr, tout n’est pas du même niveau. Cependant, il y a un ton « Ayerdhal » présent dans chaque histoire. Voici donc un très bon portrait littéraire, qui fait sentir combien sa disparition laisse un vide qui ne sera pas comblé de sitôt.