Valerian Shingouzlooz Inc.
Après le film Valerian de Luc Besson, qui ne prévoit vraisemblablement pas de suite à l’écran, les deux agents de l’espace ont le droit à une nouvelle adaptation BD signée Lupano et Lauffrey. Une reprise libre avec une Laureline aux blonds cheveux et trois Shingouz pas tout à fait en forme.
Scénariste de bandes-dessinées né à Nantes, Wilfrid Lupano a développé une passion pour la narration grâce à la pratique de jeux de rôle. Ses scénarios de BD sont nombreux, on compte notamment Little Big Joe, Alim le tanneur, L’Assassin qu’elle mérite, L’Homme qui n’aimait pas les armes, d’autres récompensés par un prix : Ma révérence (prix Fauve Polar SNCF au festival d’Angoulême), Un océan d’amour (prix Fnac de la BD 2015), Vieux Fourneaux (prix des Libraires de BD 2014 et Prix du public à Angoulême en 2015).
Né à Paris, Mathieu Lauffray est un dessinateur aux divers talents : illustrateur (romans policiers et fantastiques, magazines, comics sur Star Wars), dessinateur de BD (premier tome du Serment de l’ambre aux Editions Delcourt, Prophet chez les Humanoïdes Associés), concepteur graphique pour le film Le Pacte des loups de Christophe Gans, pour le quatrième épisode du jeu vidéo Alone In The Dark.
Qui possédera la Terre ?
Alors que Valerian et Laureline arrêtent un robot suspecté d'abriter des paradis fiscaux dans sa ferraille crânienne, ils croisent le chemin (subissent le crash) de leurs trois Shingouz préférés. Ces primates à ailes et à longue trompe, indécrottables marchands et joueurs inconsidérés, sont très embarrassés : après avoir créé compagnie d’exploration spatiale appelée Shingouzlooz, ils sont parvenus à envoyer une sonde spatio-temporelle…coloniser la Terre datant d’il y a trois milliards d’années. S’ils ont réussi à faire valoir leurs droits « ancestraux » sur la planète, le problème, c’est qu’ils ne les ont plus : ils ont parié la Terre, et l’ont perdue.
C’est donc une nouvelle course contre la montre pour les deux agents de l’espace : Valerian part sauver la planète en bidouillant les fils du passé, Laureline tente de négocier avec le patron de Shingouzlooz au risque de se faire acheter par d’avides compagnies de fans. Passé, présent, une tête de robot, un Shingouz qui tousse, un vieil homme, un trafiquant de mer survolté, la situation est à en perdre la Terre…
Une lecture à cent à l’heure !
Les Shingouz ont joué aux cartes, la Terre est en danger : c’est un scénario loufoque, une intrigue menée tambour battant, des rebondissements rocambolesques et des thématiques traitées à la vitesse de l’éclair que vous trouverez dans cette libre adaptation de Valerian au titre fou.
Si les intrigues sont hautes en couleur, parfois tirées par les cheveux et trop rapides pour que lecteur s’installe, le ton est amusant et l’ensemble, agréable.
Ce sont surtout les dessins qui font briller les yeux dès les premières pages. Un trait précis, des scènes d'action qui claquent. Les couleurs donnent aussi une vie réelle à cet univers, certaines variations sont même bien pensées et efficaces : des double-pages au fond sombre avec peu de cases et de grandes créatures marines qui voguent dans l’espace, une grande vignette bleu océan avec la gueule ouverte d’un monstre sous l’eau, un filtre aux tons vert-jaune pour un hologramme qui envahit l’espace présent…
On notera de petits détails : des visages qui changent un peu (le visage de Valerian : tantôt long et plutôt rectangulaire, tantôt plus ramassé et plus large ; des grimaces qui le déforment parfois beaucoup), mais ce sont surtout les cheveux de Laureline qui ne s’habituent pas aux sauts temporels…(blonds, presque roux, soudain châtain sombre).
Concernant les thèmes abordés, une place est faite aux atteintes à l’environnement, à la pollution de l’eau, la description d’ « une planète à l’agonie ». C’est bien en retournant au passé qu’il faut changer le futur, métaphoriquement "passé" que nous, pollueurs, sommes en train de façonner pour les générations futures. Un discours pro-écologiste traité toutefois très rapidement, au point de susciter la grimace en étant caricaturalement prescriptif. Dommage, parce qu’avec les ressources de l’univers SF et du thème temporel, le sujet avait les moyens d’être traité avec plus de finesse. Á côté de la défense de la planète, des références amusantes à l’ère de l’image et des réseaux sociaux (une communauté invisible et hyperactive de fans galactiquement connectés), des références à la finance internationale (enchères et trading interplanétaires), le tout exacerbé dans un contexte SF pour mieux critiquer la financiarisation de nos sociétés.
Véritable cocktail de scènes loufoques et rythmées, Valerian Shingouzlooz Inc. n’est donc pas à lire dans la continuité de l’original, mais bien comme un hors-série, amusant, parfois déséquilibré, qui transmet entre deux sondes temporelles un message relatif à la Terre et à notre temps.