Ogui, paralysé et défiguré après un accident de voiture ayant causé la mort de sa femme, se retrouve enfermé chez lui sous la tutelle d'une belle-mère étrange. Cette dernière, une veuve respectable, le néglige peu à peu, le laissant affronter seul sa rééducation et le deuil de son épouse. Plus étrange encore, elle s'obstine à creuser un immense trou dans le jardin entretenu autrefois par sa fille. Afin, dit-elle, de terminer ce qu'elle avait commencé.
Une auteure coréenne
Hye-Young Pyun est une écrivaine coréenne qui a commencé à publier dès l’an 2000. En France, on la connaît grâce à Cendre et rouge (Editions Philippe Picquier, 2012), où elle racontait l’histoire d’un tueur de rats soupçonné injustement du meurtre de sa femme : pour survivre, seuls les rats l’aident à un moment où la société coréenne s’effondre (dans une atmosphère qui rappelle un peu le film Dernier train pour Busan). Le jardin est sorti aux Etats-Unis en 2017 et a remporté le prix Shirley Jackson. On doit aux éditions Rivages la traduction de ce roman court et très oppressant.
A la merci de sa belle-mère
Après un accident d’auto qui a coûté la vie à sa femme, Ogui se retrouve paralysé et défiguré. D’abord reclus à l’hôpital, il ne reçoit de visite que de sa belle-mère, sa seule famille désormais. La convalescence s’annonce longue, très longue. Il rentre bientôt dans sa maison, sa chère belle-mère s’occupant de lui, malgré la douleur qu’elle ressent depuis la mort de sa fille. L’état d’Ogui s’arrange très lentement : seul son bras gauche répond et il n’émet que des borborygmes. Bientôt sa belle-mère écarte l’aide-soignante et le kiné.
Ogui se retrouve à la merci de cette vieille femme dont le comportement est de plus en plus erratique : elle le nourrit et le lave irrégulièrement, reste à le fixer des journées entières sans un mot. Et puis il y a ce trou qu’elle creuse dans le jardin que sa fille entretenait autrefois avec tant de soins. Pourquoi ?
Un ton original et efficace
Le jardin est un texte dense et très prenant. On y découvre des personnages marqués par la vie, qui peinent à communiquer ensemble. Plus on avance, plus la folie commence à affleurer : celle d’une mère bien sûr, qui veut confusément faire payer à son gendre sa survie. Et puis il y a Ogui, inconsolable du décès d’une épouse qu’il n’a pas réussi à aimer correctement et qui lui manque atrocement. On est effectivement proche de Misery, en plus intimiste et avec une touche de fantastique très insidieuse. Ce roman constitue une vraie surprise qu’on ne peut que recommander.
Sylvain Bonnet