Le Styx coule à l'envers

Dan Simmons - Le Styx coule à l'envers

Le « cas » Simmons

Dan Simmons est surtout connu comme l’auteur d’Hypérion et de L’échiquier du mal : le succès de ses deux romans à leur sortie fut phénoménal, Simmons était alors vu comme le futur de la science-fiction américaine. Trente ans plus tard, il s’est éloigné du genre et ses romans ne font plus l’actualité. Flashback en 2013 fut très mal reçu, beaucoup y virent un pamphlet anti-Obama, pro-républicain qui montrait aussi une méfiance envers l’immigration arabo-musulmane. Le Styx coule à l’envers, réédité chez Pocket, propose un échantillon de nouvelles publiées entre 1982 et 1995 et une occasion aussi de revenir à l’œuvre : Simmons est-il encore intéressant à lire ?

Les débuts d’un auteur

On commence avec Le Styx coule à l'envers, premier texte publié de Simmons, où une mère décédée est ramenée sans âme à la vie car sa famille ne peut se résoudre à l'oublier. L'histoire est racontée du point de vue d'un enfant, assez caractéristique de l’auteur. C’est agréable sans être follement original, même si on sait que c’est avec cette nouvelle que l’auteur fut remarqué par Harlan Ellison lors d’un atelier d’écriture (la préface d’Ellison le raconte bien). Avec Vanni fucci est bien vivant et vit en enfer, on voir des fondamentalistes face à un damné à la télévision. Obligé de suivre leurs délires en enfer, le damné se venge en direct, c’est amusant. On trouve aussi Mémoires privés de la pandémie des stigmates de Hoffer, une histoire assez brillante où l’humanité se met, en direct à la télévision (et le présentateur Dan Rather est une des premières victimes) à muter de façon horrible. Le récit se présente sous la forme d’une lettre d’un père à son fils. Intéressant. Citons aussi l’efficace mais anecdotique Le conseiller : un conseiller pédagogique est en fait un ancien marine devenu tueur en série de… violeurs d’enfants.

Trois joyaux

Passons cependant à des histoires plus originales, aux meilleures du recueil, preuves du grand talent de Simmons. Avec Métastases, Simmons s’attaque au cancer qu’il personnalise comme des sortes de vampires s’infiltrant dans le corps humain. Voici un récit impeccable, véritablement effrayant avec une chute saisissante. C’est aussi réussi que Les Anges du Cancer de Norman Spinrad. On continue avec Les fosses d’Iverson : un vieillard raconte comment, jeune boy scout, il a assisté au cinquantième anniversaire de la bataille de Gettysburg. Il y a aidé un vieillard, ancien soldat confédéré, nommé Montgomery, désireux de faire payer à son ancien chef, Iverson, une tuerie où ses camarades étaient morts pour rien. Mais Iverson, aidé de son neveu, liquide Montgomery et va pour faire la même chose au garçon lorsque la terre, gorgée du sang des morts, se révolte…

Terminons ensuite avec A la recherche de Kelly Dahl : un ancien enseignant alcoolique est pourchassé par une de ses anciennes élèves, Kelly Dahl, qui le plonge dans un monde différent. Suit une chasse très particulière qui débouchera sur un partage spirituel étonnant. Une histoire formidable, que bien des auteurs de fantastique auraient aimé écrire, avec une relation entre les deux personnages qui émeut.

Lisez Dan Simmons, un écrivain. Et il le sera pour toujours.

Sylvain Bonnet