Artiste française diplômée des Arts décoratifs de Paris en graphisme et dessin animé, Elene Usdin a débuté sa carrière en 1988 en tant que peintre pour le cinéma et illustratrice de presse et de livres jeunesse. Elle a reçu en 2006 le prix Picto de la photographie de mode et a publié en 2016 une monographie aux éditions Sarbacane. Elle séjourne par ailleurs régulièrement en Amérique du nord, à l'image de ses portraits de Détroit publiés chez Wayne State University Press en 2020. René.e aux bois dormants est son premier roman graphique.
Une quête d'identité aux allures de trip hallucinatoire
René est un enfant triste, dans une ville trop grande et trop stérile pour son imagination fertile qui ne demande qu'à être stimulée. Un jour, René perd son doudou préféré Lapin sucre doux. Il part alors en quête de cet être cher dont il est le plus proche et rencontre de nombreuses créatures étranges et parfois effrayantes. Un voyage initiatique qui lui permettra d'en savoir plus sur lui-même, et de découvrir les mythes des peuples autochtones canadiens.
Un voyage transcendant picturalement parlant
En recevant René.e aux bois dormants, je ne pensais pas tomber sur un roman graphique d'une telle densité ! Il pèse son poids et témoigne ainsi d'un long travail de recherche et de créativité de la part d'Elene Usdin. Comme l'en témoigne son éditeur Frédéric Lavabre, très enthousiaste, (et c'est à ma connaissance la première fois que je tombe sur une note d'éditeur en introduction d'une œuvre témoignant ainsi), ce récit ne passe pas inaperçu et fera resurgir au lecteur bien des souvenirs d'enfance. Cette période où rien ne semblait impossible et où notre imagination semblait sans limites, à l'image de l'œuvre d'Elene Usdin.
Bon, et bien maintenant il faut que j'étaye un tant soit peu mon propos. Lorsque j'ouvre une BD ou un roman graphique, il me faut tout de suite un coup de cœur sur le style pictural ou graphique. Bien souvent, la couverture n'est parfois pas vraiment à la hauteur du contenu, mais avec Elene Usdin, la couverture est tout simplement un extrait de l'ouvrage, et on prend là conscience du niveau général. Nous sommes submergés de formes et couleurs originales, dans des atmosphères parfois chatoyantes, parfois angoissantes mais jamais sordides. On pourrait facilement en faire un parallèle avec Alice au pays des merveilles, mais je ne pense pas que ce soit si pertinent dans ce cas. Même si on est forcément tentés, avec ces rencontres improbables et situations parfois absurdes. Ici, chez Elene Usdin on ne s'attache pas qu'au bizarre des situations, mais on dénoue les fils de l'histoire, des origines d'un individu, René.e et de l'identité d'un peuple, les autochtones canadiens.
J'ai trouvé l'histoire touchante et surprenante, j'ai aimé les variations de passages riches en couleurs et ceux en noir et blanc qui témoignent d'un retour en arrière plus réaliste et tragique de l'intrigue. On se questionne, on cherche à comprendre tout comme le protagoniste. C'est un récit qui exigerait qu'on s'y replonge plusieurs fois pour capter tous les détails et apprécier à sa juste valeur l'investissement graphique de l'autrice dans cette œuvre. Je dis œuvre et non pas roman graphique ou BD car j'y vois plusieurs niveaux de lecture, celui de l'intrigue, et celui des graphismes qu'on apprécie au même titre qu'une peinture, et c'est selon moi l'argument infaillible. Foncez, c'est tout simplement beau.