Le retour de Marion Marsh

Le retour de Marion Marsh de Jack Finney, un beau conte romantique de science-fiction qu’il faut avoir lu !

Jack Finney, grâces en soient rendues aux éditeurs qui ont récemment permis sa redécouverte par les lecteurs francophones, reste un auteur de premier plan dans l’histoire de la science-fiction, l’égal d’un Ray Bradbury, avec lequel il partage souvent des ambiances imprégnées de douceur nostalgique. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les nouvelles réunies dans l’excellent recueil Nouvelles d’antan -1948 1965, ou Le voyage de Simon Morley, son chef d'œuvre. Si L’invasion des profanateurs est son livre le plus connu, certainement en raison des adaptations cinématographiques qui en ont été tirées, son domaine de prédilection reste le temps et ses méandres, à travers lesquels voyagent personnages réels et fantômes. Teintés de nostalgie, ses récits sont toujours émouvants et font honneur au domaine, même si la part scientifique de sa fiction s’avère relativement négligeable… Mais on peut se permettre d’envoyer le réalisme au Diable, quand l’aventure est aussi belle !

Hollywood, le bois sacré où naissent les légendes…

A la fin des années soixante, Nick et Jan, un jeune couple cinéphile, emménage avec leur chien dans une vieille maison de San Francisco où a vécu Marion Marsh, une actrice débutante des premières années du cinéma. Les murs sont défraîchis et demandent à être redécorés. C’est en arrachant le papier mural du salon qu’ils mettent au jour un étrange message dont ils découvriront peu à peu l’origine. Qui était réellement Marion Marsh, morte avant d’avoir eu la chance de gagner le firmament hollywoodien ? Coïncidence ou hasard nécessaire, l’unique film dans lequel elle apparaît l’espace de quelques secondes passe à la télévision : Marion Marsh y est éblouissante ! Elle transcende littéralement l’écran et, la magie du cinéma opérant un de ses plus extraordinaires miracles, parvient à altérer les contraintes temporelles pour se manifester quarante ans après son décès…

« Lisez, et pleurez ! »

Qu’elle est émouvante, cette histoire de destin tragiquement interrompu, d’amour impossible, d’âge d’or révolu… Comme à son habitude, Jack Finney nous parle du passé, du présent, et peut-être bien d’un avenir meilleur pour peu que l’on se montre capable de dégager une certaine sagesse de nos expériences. Et surtout, l’auteur nous donne à lire un vibrant hommage aux pionniers du cinéma, célébrissimes en leur temps, et pour la plupart oubliés de nos jours. Qui, en un siècle obsédé par la nouveauté et soumis à l’obsolescence artificielle se souviendra avoir vu les films extraordinaires avec Lon Chaney Sr, l’homme aux mille visages, la troublante Louise Brooks, Douglas Fairbanks, inoubliable dans ses rôles héroïques ?

C’est avec un art consommé que l’auteur nous entraîne dans cette étrange quête de ce qui n’est plus, avec des personnages vivants, le plus vivace étant peut-être celle-qui-est-morte… Le traitement d’Al, le chien du jeune couple, est particulièrement réussi et ajoute une touche de tendresse et de drôlerie à un récit bouleversant. Le retour de Marion Marsh est un beau conte romantique qu’il faut avoir lu, sur lequel souffle l’esprit rebelle des années vingt, la grâce provocante des flappers, la joie débridée des premiers orchestres de jazz, du charleston et de l’alcool de contrebande (celui qui rend aveugle…)