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Dimension Uchronie n°3 - L'interview de Clémence Godefroy
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Dimension Uchronie n°3 - L'interview de Clémence Godefroy

A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 3, dirigée par Bertrand Campeis et Hermine Hémon, aux éditions Rivière Blanche, Clémence Godefroy revient sur l'écriture de sa nouvelle, Freedom.

Actusf : Comment s'est passé l'écriture de votre nouvelle ?

Clémence Godefroy : Quand j’ai participé à l’anthologie Dimension Uchronie 1, je savais déjà que je voulais de nouveau tenter l’exercice ! L’uchronie est tellement riche en possibilité que l’inspiration ne manque pas. Cette fois, je voulais tirer quelque chose de ma propre expérience et de la partie de mon enfance que j’ai passée aux États-Unis, plus précisément dans le Missouri. Ces années outre-Atlantique ont eu une très grande influence sur moi et pas seulement parce que grâce à elles, j’ai été bilingue dès mon plus jeune âge ce qui m’a mené vers le métier de professeure d’anglais. Les souvenirs que j’ai du Missouri sont heureux et j’ai encore aujourd’hui un lien affectif très fort envers ce pays, teinté de nostalgie car il est très différent de ce que j’ai connu dans les années 80 et 90. J’ai donc essayé au maximum de reproduire l’ambiance de mon école primaire, de notre maison, les images qui sont restées gravées dans ma mémoire (le vélo de Becca, par exemple, est le même que le mien à l’époque).

Actusf : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?

Clémence Godefroy : La Guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage sont des éléments fondateurs des États-Unis dont les répercussions se ressentent encore aujourd’hui, mais ce sont des thèmes très présents dans les productions médiatiques et courants dans l’uchronie (c.f Abraham Lincoln, tueur de zombies…). J’ai plutôt choisi comme point de départ la période Reconstruction et la figure de Ulysses S. Grant, moins connues en France. En effet, l’après-guerre a été une période de conflits intenses entre ceux qui voulaient appliquer une tutelle très dure sur les états qui avaient fait sécession et les priver de leur liberté, et ceux qui craignaient que de trop grandes pénalités ne causent une nouvelle guerre. Après avoir été le général vainqueur pendant la guerre, Grant est devenu président en 1868 et se plaçait plutôt du côté de ceux qui voulaient forcer le Sud à respecter les droits des nouveaux citoyens noirs et mater le Ku Klux Klan. Après deux mandats, son parti l’a plus ou moins contraint de céder la place à un autre candidat, beaucoup plus souple envers le Sud et peu enclin à contrer les lois racistes qui s’y mettaient en place. J’ai imaginé ce qui se serait passé s’il avait été maintenu à la présidence pour deux autres mandats, contrant les efforts du Sud pour instaurer la ségrégation, et si en fin de compte il avait été assassiné, comme Lincoln. Une autre guerre civile, voire une troisième, aurait très bien pu se produire, et au final on aurait construit un mur comme dans d’autres parties du monde où la paix paraît impossible. L’histoire de Becca commence quand le mur est démantelé et le pays réunifié, comme l’Allemagne en 1989.

Actusf : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?

Clémence Godefroy : Il n’y a pas besoin de dire aux lecteurs de Dimension Uchronie que le racisme, le suprémacisme blanc et la violence sont un mal, ils le savent déjà. Tout comme ils savent, car nous lisons tous les journaux, que la société américaine est une société profondément divisée et profondément malade. Je n’avais donc pas en tête un message particulier, mais je pense que l’histoire de Becca montre qu’il faut énormément de temps pour qu’une société guérisse de ce genre de blessures, un temps qui ne se mesure malheureusement pas à l’échelle d’une vie humaine, que la bonne volonté est essentielle mais ne suffit pas, et qu’il est naturel d’avoir des sentiments conflictuels sur l’accueil de l’autre – les « autres » étant ici non pas des personnes de couleur, mais les vaincus, ceux dont les livres d’histoire diront qu’ils étaient du mauvais côté. Comment ne pas éprouver du mépris, de la colère ou une envie de vengeance dans une situation comme celle-là ? Je ressens moi-même toutes ces choses envers ceux qui ont voté pour Trump en 2016, alors que je sais très bien qu’il y a des explications rationnelles et logiques sur son arrivée au pouvoir qui remontent loin dans l’histoire.

Actusf : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?

Clémence Godefroy : Je continuerai sans aucun doute à explorer le steampunk et le gaslight dans mes écrits car ce sont les genres que je préfère ! Et je serais ravie de participer à nouveau à un projet purement uchronique si j’en ai l’occasion.

Actusf : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !

Clémence Godefroy : Je voulais remercier Bertrand et son équipe de nous avoir donné l’occasion de participer à ces trois belles anthologies uchroniques, toujours dans l’ouverture d’esprit, l’humour et la bonne humeur. C’est un très bel exemple de la vitalité de la SFFF en France, grâce aux éditeurs indépendants qui n’ont pas peur de publier des auteurs peu connus sur des thèmes originaux. Je suis très fière d’appartenir à cette confrérie !

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