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Dimension Uchronie n°3 - L'interview d'Ophélie Bruneau
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Dimension Uchronie n°3 - L'interview d'Ophélie Bruneau

A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 3, dirigée par Bertrand Campeis et Hermine Hémon, aux éditions Rivière Blanche, Ophélie Bruneau revient sur l'écriture de sa nouvelle, Demandez Berta.

Actusf : Bonjour, pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu'écrivain ?

Ophélie Bruneau: Je suis « Communication IT Specialist » le jour (c’est mon vrai titre professionnel) et autrice de SFFF la nuit. En fait non : la nuit, je dors. J’écris quand j’y arrive, en fonction de mon emploi du temps et de mon énergie créatrice.
Mon parcours littéraire commence au siècle dernier avec des textes dans des cahiers d’écolière, décolle un bon coup suite au NaNoWriMo 2006 (qui a connu un joli parcours sous le nom Et pour quelques gigahertz de plus)… Au dernier recensement, j’avais publié une quinzaine de nouvelles et dix romans dont le dernier, L’Enceinte 9, est paru fin août 2019 aux éditions Lynks.

Actusf : Comment avez-vous découvert l'uchronie ? Y a-t-il une œuvre qui vous a marquée profondément ?

Ophélie Bruneau : J’ai commencé à m’intéresser au sujet grâce à une passionnante table ronde à Sèvres, il y a déjà pas mal d’années. Une expérience de pensée comme les campagnes napoléoniennes à dos de sanglier, ça marque !
Parmi les nombreux textes relevant du genre, celui qui me reste en tête, c’est Comme un vol de gerfauts de Timothée Rey (dans son recueil Dans la forêt des Astres aux Moutons Électriques), une merveilleuse nouvelle où l’Europe occidentale baigne dans une culture celtique et où aucun navigateur n’est parti découvrir les Amériques.

Actusf : Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entrée dans l'aventure Dimension Uchronie ?

Ophélie Bruneau : Bertrand Campeis, qui a beaucoup aimé mon roman uchronique La dernière fée de Bourbon, m’a contactée dès le début du projet pour me demander un texte situé dans l’Océan Indien. Hélas, sur le moment, l’inspiration refusait de frapper : Monsieur Oniros, le responsable du service Muse dans mon cerveau, est un flemmard notoire.
Relancée au moment de l’appel à textes pour le troisième opus, j’ai enfin trouvé l’étincelle, et me voici, sur le fil du rasoir !

Actusf : Comment s'est passée l'écriture de votre nouvelle ?

Ophélie Bruneau : Compte tenu des délais, il a fallu faire vite. J’ai écrit le premier jet en deux semaines et j’ai sauté l’étape de la bêta-lecture (cette cascade a été réalisée par des professionnels, ne faites pas ça chez vous). L’ensemble s’est déroulé sans anicroche ou presque. La principale difficulté a consisté à retrouver des images d’architecture malgache s’affranchissant de l’influence coloniale française, le tout pour, en fin de compte, ne voir la ville concernée que de loin depuis le pont d’un bateau. Hermine Hémon a ensuite assuré la direction littéraire.

Actusf : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?

Ophélie Bruneau : Mon point de départ est l’utopie pirate de Libertalia, mentionnée dans L’Histoire Générale des Plus Fameux Pirates en 1724. L’existence de cette colonie libertaire n’est pas avérée historiquement, et même l’ouvrage original la désigne comme éphémère.
Et si Libertalia avait vraiment été fondée ? Et si elle avait trouvé assez d’accords avec la nation malgache pour s’établir durablement ? Sa localisation est floue : « entre Nosy Be et la baie des Pirates », ça laisse deux cents kilomètres de marge. J’ai donc eu tout le loisir d’attribuer à la république pirate la péninsule à l’extrême nord de Madagascar et de situer sa capitale, Unité, en face de Diego-Suarez/Antsiranana (qui porte dans la nouvelle son ancien nom d’Antomboko). Les efforts conjoints des Malgaches et des Libertaliens ont empêché la colonisation de la Grande Île.
Demandez Berta se déroule le 24 juillet 1914, un jour particulier pour l’Europe, un jour comme un autre pour Libertalia.

Actusf : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?

Ophélie Bruneau : C’est Berta elle-même qui délivre le message avec une réplique cinglante : « Vos jouets, vous les cassez ».
Par cette phrase, elle résume ma pensée quand j’ai lu des livres consacrés à la politique européenne de 1870 à 1914 et au début de la Première Guerre Mondiale. L’expansion coloniale, le jeu d’échanges de territoires entre grandes puissances sans tenir compte des populations présentes sur place, ont laissé une empreinte terrible dont le monde n’est pas près de se défaire.

Actusf : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?

Ophélie Bruneau : Si je me suis renseignée à l’origine sur les racines de 1914, c’est parce que je travaille à un gros roman uchronique steampunk, Rouge Canon.
Après l’invention du supercombu dans les premières années du vingtième siècle, les grandes villes ne se munissent pas de métropolitains, mais de monorails Lartigue. L’Allemagne développe une arme surpuissante, la SupercombuBombe, qui lui sert dès 1914 à détruire Belgrade en représailles pour l’attentat de Sarajevo. Localisation de la guerre réussie, pas de Première Guerre Mondiale. En parallèle, Jean Jaurès échappe aux balles de Raoul Villain. Il est président de la République quand le roman s’ouvre en 1929.
Persuadée qu’une France utilisant ses derniers produits saurait tenir tête à la SupercombuBombe allemande, une société d’armement veut organiser une démonstration originale ; tout tourne mal, bien entendu. Rouge Canon suit cinq personnages impliqués dans ce drame, d’abord pendant sa préparation, puis tâchant d’éviter que le chaos résultant ne débouche sur une guerre mondiale avec quinze ans de retard.
Ce roman n’a ni délai ni éditeur et ça me motiverait peut-être d’avoir tout ça, allez savoir !

Actusf : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !

Ophélie Bruneau : FIN
Non, je plaisante. J’écris rarement ce mot pour conclure mes nouvelles ou mes romans. On sait bien quand on arrive à la fin : il n’y a plus de texte derrière.
Explorer les passés possibles, c’est aussi dessiner les futurs possibles. Nous vivons une période riche en points de divergence, une de celles qui auront leur chapitre dans les futurs livres d’Histoire. Sur quelle route nous mèneront nos choix d’aujourd’hui ? Mystère.
Quoi qu’il en soit, j’ai d’autres nouvelles à paraître dans des anthologies au cours des prochains mois, et un roman de SF dont la publication est prévue pour 2021. C’est loin ? C’est vrai. Mais qui sait ce que nous aurons vécu dans l’intervalle !

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