- le  
Interview de Jean-Pierre Pécau
Commenter

Interview de Jean-Pierre Pécau

ActuSF : Comment est née l'aventure Jour J pour vous ?
Jean-Pierre Pécau : C'est une idée de Fred Blanchard, le directeur de collection de Serie B, qui un beau jour m'a téléphoné en me demandant ce que j'en pensais… Je n'en pensais que du bien.
Il a ensuite proposé de faire entrer mon ami Fred Duval dans la boucle, et j'en pensais toujours du bien.

ActuSF : Qu'est-ce qui vous intéresse dans l'uchronie et dans l'histoire ?
Jean-Pierre Pécau : L'histoire ? C'est une très vieille amie, déjà au lycée c'était ma matière préférée, plus tard ça aurait dû être sans doute ma profession si la vie n'en avait pas décidé autrement. Bref, pourquoi aime-t-on l'histoire, très difficile question.
L'uchronie amène une réponse plus facile, c'est l'expérimentation de l'histoire, le petit chimiste, un peu de ci, un peu de ça, et tout change. Ce qui m'a toujours fasciné dans l'histoire, c'est que justement tous les grands événements tiennent en définitive à très peu de choses : une fuite du roi qui n'est pas arrêté à Varennes et que devient la Révolution française ? L'uchronie c'est ça, de l'histoire à la paillasse, une expérimentation.

ActuSF : Comment choisissez-vous les périodes de l'Histoire dans lesquelles vous voulez raconter vos histoires ?
Jean-Pierre Pécau : Assez facilement, en isolant les périodes clés, ce qui est le plus simple, ensuite en imaginant les conséquences et les possibilités, ce qui l'est moins.
Un grand thème uchronique par exemple qui ne me tente pas : et si l'Allemagne nazie avait gagné la guerre ? Pourquoi n'écrirai-je jamais une uchronie sur cette base ? Tout simplement parce que pour moi, en analysant les causes et les mécanismes du nazisme, les nazis ne peuvent pas gagner la guerre, donc pas d'uchronie. Par contre, on peut tout à fait imaginer que la Seconde Guerre mondiale ne s'arrête pas en 1945.

ActuSF : Pourquoi, pour la collection Jour J, avoir choisi essentiellement le XXe siècle comme cadre ?
Jean-Pierre Pécau : Dans un premier temps, c'est une volonté de Fred Blanchard, qui ne souhaitait pas perdre le lecteur dans des périodes moins connues. Les prochains tomes vont exploiter d'autres périodes.

ActuSF : Comment avez-vous sélectionné les thèmes des premiers albums ?
Jean-Pierre Pécau : À partir du moment où le cadre du XXe siècle était fixé, les deux guerres mondiales s'imposaient d'elles-mêmes. Ensuite, nous avions remarqué que certains événements majeurs touchaient uniformément une génération. Lorsqu'on demande « où étiez-vous au moment de l'assassinat de Kennedy ou lors des premiers pas de l'homme sur la lune » à une même classe d'âge, tout le monde s'en souvient très précisément. À partir de là, nous avions nos sujets.

ActuSF : Quel regard portez-vous sur cette aventure qui a presque un an maintenant ? (tout du moins en librairie)
Jean-Pierre Pécau : Un grand plaisir de travailler à 4 voire 6 mains, un grand plaisir du succès de la collection – ça va nous permettre d'en faire plein ! –  et une très grande perplexité quant aux critiques de lecteurs qui sont souvent très tranchées et parfois totalement absurdes.
Je m'explique, un lecteur aime ou n'aime pas une BD, une histoire, un dessin, c'est normal. Mais dans le cas de Jour J, nous avons essuyé des bordées d'insultes qui nous ont laissés pantois.
Exemple, sur le tome 1, un lecteur très en colère nous reprochant l'impossibilité de notre histoire en affirmant que les Soviétiques n'auraient jamais envoyé une femme sur la lune ; un homme, OK tout va bien, mais pas une femme ! (alors que le corps des cosmonautes russes avait des femmes) On se demande parfois où va se nicher la misogynie.
Très étrangement, il semble qu'à partir du moment où l'on traite de l'histoire, chacun s'autorise à avoir un avis très autorisé, c'est étrange et déroutant, et agaçant aussi (voir plus loin).

ActuSF : Quels sont les retours ?
Jean-Pierre Pécau : Voir plus haut :)

ActuSF : Comment vous répartissez-vous les tâches entre Fred Blanchard et Fred Duval ?
Jean-Pierre Pécau : Blanchard trouve les dessinateurs ; ensuite, réunion générale des trois pour les sujets ; écriture d'un filage ; rédaction des dialogues, généralement pas mes soins ; mise en scène par Fred Duval ; et on recommence, et pas forcément dans cet ordre.

ActuSF : Parlons un peu plus de ce cinquième tome, comment est née l'idée de cette histoire ?
Jean-Pierre Pécau : Comme je l'ai dit plus haut, déjà un événement référence : l'assassinat de Kennedy. Et puis très vite, une évidence : l'élection contre Nixon, qui fut plus que serrée (voire carrément volée, disent certains). À partir de là, l'envie de mélanger les genres. La figure de l'assassinat politique est universellement condamnée dans nos sociétés, mais le tyrannicide peut être admis dans certains cas, alors que se passerait-il si ?...

ActuSF : Vous parlez de tout un tas d'événements historiques un peu méconnus comme les alsaciens ayant choisi le camp du nazisme... Est-ce vrai que les Hells Angels ont proposé leurs services pour la Guerre du Vietnam ? En tout cas, était-ce une volonté de votre part de mettre en lumière certains faits historiques peu connus ? Quelle est votre marge de liberté avec l'Histoire ?
Jean-Pierre Pécau : Pour les Hell's, c'est tout à fait officiel, les lettres existent et d'ailleurs nous en citons une.
Nos marges sont aussi étroites que possible, c'est ça le jeu, partir du vrai pour le tordre tout en gardant un maximum de cohérence, sinon ce n'est pas drôle. On s'interdit donc les loups-garous, les vampires, les présentateurs de télé intelligents, tout ça quoi…

ActuSF : C'est peut être l'album le plus sombre de la série, avec un héros impitoyable et un président américain qui sombre petit à petit dans la dictature. Parlons d'abord du héros, comment le présenteriez-vous ? On a l'impression qu'aucune rédemption n'est possible pour lui…
Jean-Pierre Pécau : Réponse plus haut : interrogation sur le tyrannicide, mais quid de l'assassin ? Est-ce que parce que la cause est juste il est forcément lui aussi un juste ? C'est, il me semble, l'intérêt de ce sombre album, un héros sans rédemption qui exécute un crime commandité par des gens peu recommandables, pour de mauvaises raisons et dont il sort un bien ! Finalement ce n’est pas si sombre que ça !

ActuSF : Un mot sur Nixon. Avez-vous l'impression que les États-Unis ont eu la tentation d'un régime plus dur et militaire à un moment, dans ces décennies 60/70 ?
Jean-Pierre Pécau : Les années 60-70, on l'a oublié, sont des années de grandes tensions aux USA, des groupes terroristes blancs et noirs, de droite comme de gauche, s'organisent. Difficile de dire si tout aurait pu basculer, mais nous n'étions pas dans une société apaisée. Si vous rajoutez un président alcoolique (tiens, c'est drôle, un critique nous a reproché de présenter Nixon en alcoolique, ce qui prouve qu'après toutes ces années, ce brave Dick a encore des adeptes) qui, on possède les bandes enregistrées, envisageait froidement d'envoyer des bombes atomiques sur le Vietnam, et tout devient possible, surtout le pire.

ActuSF : Votre autre nouveauté de ce début d'année est Là où vivent les morts avec Jovan Ukropina. Là aussi, il y a un cadre historique. Comment est née l'idée de cette série ?
Jean-Pierre Pécau : Outre Là ou vivent..., la grande majorité de mes séries sont à cadre historique. Là ou vivent... était une merveilleuse idée, des problèmes éditoriaux avec les éditions 12bis en feront sans doute une expérience sans suite, c'est dommage.

ActuSF : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Jean-Pierre Pécau : Ouh la la ! Jour J se poursuit, bien sûr, ainsi qu'Histoire secrète, et je travaille sur deux autres séries, une sur la Seconde Guerre mondiale et une autre plus ésotérique, qui devront voir le jour en 2013 ! Si on passe l'apocalypse de 2012 bien entendu.

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Vous pourriez être intéressés par

Qu'en pensez-vous ?