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La mauvaise tête de Brian Aldiss
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La mauvaise tête de Brian Aldiss

Lorsqu’il s’agit de citer les auteurs de science-fiction les plus importants, le nom de Brian Aldiss ne vient pas spontanément sur les lèvres, en tous cas pas dans les premières places, et pourtant… Son œuvre s’étend sur un nombre impressionnant de domaines poésie, théâtre, essais critiques et historiques sur la littérature de science-fiction, romans de littérature générale, anthologiste… Il fut l’un des auteurs phares de la new wave anglaise des années soixante, reste considéré comme l’un des pères fondateurs du courant steampunk avec son indispensable Frankenstein délivré, et sa série Helliconia est un incontournable du planet opera. Pour La mauvaise tête, Brian Aldiss s’est même attaqué au roman graphique avec la complicité de l’illustrateur Ian Pollock, dont les vignettes remarquables participent sans conteste à la réussite de l’ouvrage.

Un livre affuté comme un riff de guitare fuzz…

Tom et Barry Howe, frères siamois élevés dans un secteur rural et isolé du Norfolk, en Angleterre, sont repérés par un groupe de promoteurs travaillant dans le monde du spectacle. Après avoir signé un contrat, ils sont intégrés à un groupe de rock sur le déclin et leur nouveau manager les formera jusqu’à ce qu’ils atteignent le firmament du show-business. Comme un certain nombre de rock stars, les frères Howes se montrent parfois incontrôlables et, ce qui n’arrange rien, les siamois se détestent… Les seuls à pouvoir tempérer leurs caprices sont Laura, une groupie dont ils sont amoureux, et Nick Sidney, l’individu au passé douteux qui leur sert à la fois de manager et d’homme de main. Sexe, drogue et rock’n’roll, c’est la trame poignante de l’histoire de deux siamois et de leur étrange troisième frère, la petite tête qui pousse sur l’épaule de Barry Howe…

La grande arnaque du rock’n’roll…

Voilà un bien curieux livre ! Son format, en premier lieu, un carré de vingt-sept centimètres de côté, des plus inhabituels pour un roman de science-fiction. Les nombreuses illustrations de Ian Pollock ensuite, en noir et blanc ou en couleurs, parfois sur une double page, dans un style très impressionnant et souvent des plus dérangeants, en parfait accord avec le parti pris artistique de la new wave anglaise. Quant au texte du roman, il ne déroge pas à ce sentiment d’avoir affaire à un objet littéraire des plus insolites… Présenté sous la forme d’un récit documentaire, les pages de La mauvaise tête recueillent les témoignages des principaux acteurs de la carrière des frères Howes, et nous rappelle fort à propos que bien des mouvements musicaux ont été créés de toute pièce par une industrie du divertissement toujours prête à mettre en avant les aspects les moins reluisants du star system pour doper les ventes. Bien des artistes en ont payé le prix fort, et La mauvaise tête évoque ces destins tragiques avec beaucoup de sensibilité. D’une lecture aussi excitante et sauvage que le riff de Come and see me, aussi dérangeant et fascinant que les Freaks de Tod Browning, La mauvaise tête est une réussite qui, si un éditeur audacieux s’attelait à sa réédition, pourrait bien profiter de l’actuel engouement pour les romans graphiques…

 

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