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La Nuit des labyrinthes - Les secrets d'écriture de Sabrina Calvo
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La Nuit des labyrinthes - Les secrets d'écriture de Sabrina Calvo

A l'occasion de la parution de La Nuit des labyrinthes aux éditions Mnémos, Sabrina Calvo revient sur l'écriture de cette seconde aventure de Lacejambe et Fenby.

Actusf : Après Délius, une chanson d’été, vous venez de publier aux éditions Mnémos La Nuit des labyrinthes. On y retrouve les deux héros, plusieurs années après pour une nouvelle enquête. Toutefois, Lacejambe et Fenby ne semblent plus se supporter. Pourquoi avoir choisi de les mettre en froid ?

Sabrina Calvo : Bah. C’est comme tout. C’est la vie. Délius s’était trop bien passé. J’étais en réaction face à ça. Ce sont mes personnages qui ont pris le truc en pleine face. Ils représentaient tous les deux des aspects de ma personnalité qui s’étaient déréglés, désynchronisés. Quand on revient du pays des merveilles de l’enfance pour se confronter à l’âge adulte, il faut un temps d’adaptation, que je ne me suis pas accordée et qu’ils ont subi. J’ai juste vocalisé tout ça à travers eux, mais c’est ce qui rend un personnage de fiction vivant, à mon sens. Je passe tout le roman a essayer de montrer qu’au fond, ils s’aiment sans pouvoir vraiment se le dire. A leur façon, ils sont tous les deux coincés dans mes boucles mélancoliques.

Actusf : Comme pour Sous la colline, vous vous inspirez de la ville de Marseille pour ce roman. Un bel hommage en passant pour la cité phocéenne. Toxoplasma avait quant à lui été écrit lors de votre séjour au Canada. Vous inspirez-vous toujours des villes dans lesquelles vous avez résidé ?

Sabrina Calvo : Oui. Minuscules flocons a été écrit à LA, quand j’y vivais. Elliot du Néant à été écrit à Reykjavik, quand j’y vivais. Mes livres et moi, ils sont liés. Ils me servent souvent à formuler des choses que je refuse d’accepter, et de voir des choses que je ne peux pas voir. C’est aussi une forme de quotidien partagé, documenté, fantasmé dans l’acte de mise en fiction. J’aime placer l’acte d’écrire au cœur de mon vécu, sans verser dans l’autobiographie. C’est une sorte de fiction transréelle, pour reprendre le mot de Rudy Rucker. C’est ce que je fais, dès que j’essaye de faire quelque chose d’autre, j’ai l’impression d’être à côté de tout. Au fond, je travaille sur le narcisse brisé.

Actusf : Votre roman fait encore une fois la part belle à la botanique. Les fleurs comme point cardinal des enquêtes de ces deux romans. Cela a-t-il nécessité des recherches importantes de votre part ? Comment avez-vous travaillé pour rendre crédible les deux univers de ces romans ?

Sabrina Calvo : Concernant les fleurs, non. J’y vais un peu à l’improviste, c’est du mouvement, de la couleur, et des mots inventés. Délius s’est beaucoup nourrit de mon obsession pour les fées, qui sont venues naturellement irriguer l’intrigue, sans me demander beaucoup de travail – ce sont des choses que j’ai internalisée depuis toute petite. Pour La Nuit des labyrinthes, ça a été plus compliqué, en termes de recherche historique : à quoi ressemblait Marseille en 1905, les échos de la Commune de 1871. Ça a été très laborieux, même si j’ai été accompagnée. Je suis très lente et trop perfectionniste, j’ai tendance à tout vouloir mettre, tout prendre et c’est un processus très abrasif d’arriver à l’essentiel. Et j’avais vraiment besoin de comprendre de l’intérieur ce qui pouvait motiver un personnage comme Vivaux, et ça prenait racine dans la ville elle-même, ses blessures, sa matière.

Actusf : Si Délius à un caractère joyeux digne de l’été, La Nuit des labyrinthes est beaucoup plus sombre ou même crépusculaire. Est-ce l’automne ? Et si oui, pourquoi ?

Sabrina Calvo : Techniquement, il se passe en hiver mais en terme de tonalité, oui, c’est l’automne. Comme je l’ai écris dans ma micro-note en fin de livre, ce bouquin vient d’une période très sombre de ma vie. A la même époque qu’Acide Organique, donc en mode total déconstruction. J’étais aussi très impliquée politiquement, et ce dégagement transpire de partout. J’étais un peu sidérée, en relisant le livre, par le ton, la colère et le mépris pour un certain nombre de choses qu’à l’époque je n’envisageais pas comme faisant partie de moi. C’est ce que j’ai le plus renforcé au cours de cette réécriture, le rapport intime entre Lacejambe et Vivaux, dont j’ai poussé la sensualité. Vivaux m’est apparu, je l’avais beaucoup caché dans le premier manuscrit, du coup ça marchait pas : en choisissant de le mettre en couverture de cette réédition, comme Cindy Canévet avait montré Kevin sur celle de la réédition de Délius, c’était faire le choix du véritable propos de ces livres : jusqu’où peut mener le désespoir d’un esthète ? La poésie tue aussi…

Actusf : Il semble que le tome 3 est prévu pour 2021. Il viendra clore le cycle de ces enquêtes aux parfums floraux. Si l’automne a suivi l’été, l’hiver approche. Pouvez-vous déjà nous en dire quelques mots ?

Sabrina Calvo : C’est un peu mon arlésienne ce bouquin. 2021, c’est vite dit, je sais pas, y’a tout qui change très vite dans ma tête, mais je vais boucler, oui. Tout ce que je sais réellement, c’est que ça se termine au sommet du Mont Olympe. Et que Lacejambe et Fenby se réconcilient (rires).

Actusf : Quels sont vos projets en cours et à venir ?

Sabrina Calvo : Je termine Melmoth Furieux pour La Volte. C’est la fin d’un long processus, qui a commencé il y a plus de 20 ans. Et après des années passées à me demander ce que je pouvais bien faire de ma vie quand je serai grande, je me suis remise à la couture et sérieusement au dessin. Du coup, je fais des robes.

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