« Hello, ich bin Edgard Wallace. » C’est ainsi que, d’une voix caverneuse, se présentait Edgard Wallace aux nombreux amateurs Allemands de Krimi, pendant le générique de certains des films tirés de ses œuvres. S’il est aujourd’hui passé de mode, notre auteur a connu deux grandes périodes de succès : la première en Angleterre au cours des années vingt, et la seconde outre-Rhin dès la fin des années cinquante. Avec presque cent romans à son actif, c’était alors lui « The King of the thriller » ! La rouille mystérieuse est l’une de ses très rares incursions sur les terres de l’anticipation, ce qui est bien dommage lorsqu’on sait qu’il fut à l’origine du scénario du tout premier film sur le King-Kong…
Les ravages de la bombe A…limentaire !
Olivia Creswell l’ignore encore mais sa mère était la fille d’un richissime armateur. Celui-ci vient de mourir et la jeune femme se retrouve, sans le savoir, héritière d’une fortune considérable. Cette situation ne va pas sans attiser la convoitise de personnages peu recommandables. Lorsqu’un soir, en rentrant chez elle, elle découvre qu’un homme l’attendait tapi dans l’obscurité de son salon, Olivia court se réfugier chez son voisin de palier, malgré sa réputation d’ivrogne et de bon à rien. Ensemble, ils devront faire face aux menées d’un scientifique allemand prêt à répandre sur nos campagnes un terrible fléau susceptible de causer une famine mondiale dévastatrice : la rouille verte !
Mystères d’après-guerre…
Avec leur ambiance à la fois caricaturalement anglaise et gothique, les films Allemands reprenant les histoires de Wallace ont encore aujourd’hui un charme suranné et tout à fait délicieux. Si les inspecteurs de Scotland Yard fantasmés par nos cousins Germains ont gardé tout leur intérêt en dépit du passage des années c’est probablement parce que, justement, le temps en a fait des mythes. Un autre archétype, le savant fou assoiffé de revanche, fait l’objet de La rouille mystérieuse qui, à sa manière, témoigne de la littérature populaire de l’époque. Lorsqu’on sait que le roman est paru en 1919, il devient évident qu’il reflète les préoccupations des Européens d’alors, pas encore remis du terrible choc de la première guerre mondiale. On y voit clairement la crainte d’une riposte Allemande sous la forme plus moderne d’une guerre économique, et le spectre précurseur des Docteurs Mabuse, ces scientifiques déments dont les recherches seraient potentiellement utilisables à des fins belliqueuses. C’est surtout en cela que La rouille mystérieuse reste intéressant, malgré son style vieillot et son intrigue un peu bancale de feuilleton à l’ancienne, avec savant fou, détective intrépide et belle héritière à sauver ! Edgard Wallace, pas plus que le reste du monde, ne pouvait alors envisager que ces inquiétudes à propos de l’avenir allaient non seulement se concrétiser, mais dépasser de très loin en horreur tout ce qu’il avait imaginé...