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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera : quelques idées pour Noël !
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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera : quelques idées pour Noël !

A l’approche de Noël, voici quelques idées de cadeaux à déposer au pied du sapin pour les amateurs de l’imaginaire !

Tout d’abord il y a la somptueuse étude de François Ducos, « Les Détectives des ténèbres » (Editions Le Visage Vert), une somme de 600 pages sur ces détectives de l’étrange et de l’occulte qui ont fasciné les lecteurs depuis leur apparition au XIXème siècle. François Ducos les a méticuleusement traqués toute sa vie à travers non seulement la littérature mais aussi la BD et les grand et petit écrans, non seulement en France mais aussi dans le monde et le résultat est impressionnant. L’index des détectives fait 7 pages sur deux colonnes ! Une mine de découvertes, l’auteur nous présente dans un style fluide et agréable l’histoire et l’évolution de ces détectives depuis leurs débuts en 1817 jusqu’à 1980. Agrémenté de nombre d’illustrations noir et blanc et couleurs qui font souvent rêver, voilà un ouvrage qui prendra place dans les références indispensables, à côté des Versins et Costes-Altairac.

Avec « L’Arche de Mère » (Scrinéo SF), Pierre Bordage nous offre un de ces space operas dont il a le secret : dans ce futur où l’humanité a conquis une partie de la galaxie en écrasant les races extra-terrestres qui ont essayé de résister et fait preuve d’un mépris écrasant à leur égard, voici qu’une espèce inconnue, les nostrems, fait son apparition et éradique les mondes humains. A travers Yhué, jeune femme atteinte d’une maladie incurable, amoureuse de Sohann, un soldat qui va disparaître en essayant de la défendre lors de l’attaque des nostrems, qui va être sauvée de justesse par des membres de l’équipage de l’Arche, un gigantesque vaisseau créé et dirigé par la Mère, et Borée, une ethnologue spécialiste des ET, amie de certains d’entre eux, qui va se retrouver mêlée malgré elle au conflit avec les nostrems, l’auteur développe ses thèmes favoris : nécessité de rester humain malgré les avances technologiques, compréhension et coopération plutôt que confrontation, dévoiement des meilleures intentions et rédemption, et, par-dessus tout, la force de l’amour sous toutes ses formes. A travers le déroulement de l’intrigue, nous compatissons aux souffrances de Yhué et Borée, nous comprenons leur évolution psychologique – cet aspect est toujours très prenant chez Pierre Bordage – mais aussi celle de deux autres personnages fondamentaux dont la Mère, je ne vous en dirai pas plus pour ne pas spoiler ce qui fait la force de ce roman. Bref de la belle SF avec un beau message humaniste comme sait l’écrire l’auteur !

Il existe diverses légendes dans le folklore mondial selon laquelle la Lune serait faite de fromage… John Scalzi, dans « Viser la Lune » (L’Atalante), s’empare de cette vieille histoire pour nous donner un roman jubilatoire : un jour, sans signe avant-coureur, la Lune se transforme instantanément en fromage ! A partir de là il aborde, au travers d’une multitude de petits épisodes mettant en scène aussi bien le Président des Etats-Unis que des astronautes ou des gens ordinaires, les réactions face à cette transformation, du scepticisme à la croyance aveugle et les discussions à n’en plus finir sur la nature du fromage – les Chinois affirmant que ce serait plutôt une sorte de tofu – ainsi que les conséquences physiques et spatiales inattendues. Avec un humour parfois caustique, John Scalzi nous propose en fait une vision critique de notre société contemporaine et de ses travers. Il a osé s’attaquer au thème le plus improbable qui soit, il a réussi, chapeau bas !

Avec « A Language of Dragons » (Bigbang) de S. F. Williamson, nous découvrons un Londres de 1923 où les humains vivent dans la misère et la peur sous la tyrannie des dragons qui les ont écrasé lors de la dernière guerre et sous la férule d’un gouvernement collaborateur qui a divisé la société en trois classes. Lorsque vous faîtes partie de la troisième classe, et la moindre incartade peut vous y envoyer si vous appartenez aux deux autres, votre seul avenir est travail, misère et maladie… La jeune Vivien veut devenir traductrice de langues draconiques, une passion chez elle, mais suite à l’arrestation de ses parents pour résistance, elle va se retrouver enrôlée de force dans un programme secret gouvernemental. Anti-dragons. Mais, bien évidemment, les apparences sont trompeuses et Vivien va découvrir des faits et des vérités soigneusement cachés. Elle va aussi interagir, plus ou moins à son corps défendant, avec des dragons et cela rend le roman passionnant car l’autrice, qui est une linguiste et une traductrice, met en exergue le fait que toute communication dans une langue étrangère implique une perte d’une partie du sens, ne serait-ce qu’à cause des différences de culture et donc des sous-entendus implicites évidents pour celui des locuteurs dont c’est la langue natale mais pas pour l’autre, a fortiori lorsque l’un appartient à une espèce non-humaine et donc physiquement et psychologiquement fondamentalement différente. Le roman aborde aussi les sujets de la trahison et du pardon, de la collaboration et de la résistance, avec des personnages humains et dragons que l’autrice nous fait apprécier ou détester mais avec un talent pour nous faire comprendre pourquoi ils sont ainsi. Voici un premier roman tout à fait remarquable, une autrice à découvrir !

Et comme il ne faut pas oublier ces écrivains qui ont été des acteurs importants de cette SF française ancienne que nous aimons, remercions Serge Lehman qui, avec « Scribes des miracles » (Editions de l’Arbre vengeur), nous a monté une belle anthologie de « six récits de l’âge d’or » écrits, excusez du peu, par Maurice Renard, José Moselli, Tancrède Vallerey, Jean Ray, Régis Messac et Théo Varlet, dans la droite ligne chronologique de son anthologie précédente, « Maîtres du vertige ». Et, comme si cela ne suffisait pas, Serge Lehman nous livre une courte préface de 120 pages où il se livre à une analyse aussi érudite que brillante des courants de la SF de l’Entre-Deux-Guerres, faisant suite à sa préface antérieure récompensée par le GPI. Ces deux anthologies sont des plaisirs de lecture à savourer sans modération en cette période festive.

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