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L'Ogresse et les orphelins - Les secrets d'écriture de Kelly Barnhill
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L'Ogresse et les orphelins - Les secrets d'écriture de Kelly Barnhill

A l'occasion de la sortie en France de L'Ogresse et les orphelins, Kelly Barnhill revient pour nous sur l'écriture de ce roman jeunesse, paru aux éditions Anne Carrière.

Actusf : Accepteriez-vous de vous présenter pour que vos lecteurs français vous connaissent un peu mieux ?

Kelly Barnhill : Bonjour tout le monde ! Je m’appelle Kelly. Je suis autrice, enseignante et maman. Je suis aussi une ancienne boulangère, une ancienne concierge, une ancienne secrétaire, une ancienne garde forestière, une ancienne pompière, une ancienne charpentière, une ancienne militante, une ancienne musicienne d’église et une ancienne barmaid. Que puis-je dire ? Je suis curieuse et j’adore tester de nouvelles choses. J’ai aussi tendance à me faire souvent virer. J’écris des livres depuis un certain temps maintenant, ce qui est un bon travail pour quelqu’un qui est par nature une personne curieuse — et personne ne peut me virer, ce qui est utile. En plus d’être écrivain, j’aime lire, faire du camping, passer du temps avec ma famille et mes voisins, préparer des repas copieux et compliqués, faire de la randonnée, emmener mes neveux et nièces au zoo ou au musée, et faire de longs joggings en pleine nature. J’ai trois enfants, dont deux sont presque adultes, et un mari architecte — il a y compris conçu la maison dans laquelle je suis assise en ce moment. J’ai une vie plutôt agréable, en fait.

Actusf : Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire de la littérature jeunesse ?

Kelly Barnhill : Mince, je ne suis pas certaine de la réponse ! Mon premier livre pour enfants, The Mostly True Story of Jack (pas de traduction française à l’heure actuelle, NDLR), m’est venu d’un coup, complètement par hasard. Au début, je ne savais même pas que j’étais en train d’écrire un roman — et il a fallu un certain temps pour me rendre compte qu’il s’agissait d’un roman pour enfants. Tout ce que je savais, c’est que j’étais terriblement intriguée par ce Jack, et j’ai fait de mon mieux pour suivre son histoire et la traduire sur la page. Mais j’ai toujours aimé la littérature de jeunesse — en tant qu’enfant, en tant qu’enseignante, en tant que mère lisant des livres à ses propres enfants. Je pense qu’elle a la capacité d’ouvrir le monde en grand et de nous inviter tous à regarder à l’intérieur.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots mots au sujet de l'intrigue de L'Ogresse et les orphelins ?

Kelly Barnhill : L’Ogresse et les orphelins est l’histoire d’une ville dont la bibliothèque a brûlé dans un terrible incendie, et qui a ensuite commencé à perdre son sens de la communauté, ses bonnes relations de voisinage, son cœur et même son esprit. Lorsqu’une ogresse s’installe en ville et tente de faire ce qu’elle peut pour aider ses nouveaux voisins, les villageois réagissent avec méfiance et colère. Heureusement, les enfants intelligents de l’orphelinat font de leur mieux pour comprendre la situation, aider comme ils le peuvent et découvrir le véritable méchant qui se cache parmi eux.

Actusf : Dans L'Ogresse et les orphelins, on suit des personnages que tout semble opposer. Pouvez-nous parler d'eux ?

Kelly Barnhill : Notre personnage principal, l’Ogresse, a vécu dans de nombreux endroits au cours de sa longue vie — grottes, marais, falaises dans l’océan, châteaux abandonnés, villages dans les montagnes, et bien d’autres endroits encore. Malheureusement, beaucoup de gens et de créatures ont des idées préconçues sur les ogres, et elle vit donc souvent en marge de la société. Cela n’a pas entamé sa curiosité innée, sa profonde empathie, ni son désir de trouver un vrai chez elle. Nos orphelins — tous les quinze — vivent comme une sorte de grande famille très unie. Bien qu’ils ne soient pas liés par le sang, ils sont profondément dévoués les uns aux autres. Malheureusement, en raison de la négligence de la ville, l’orphelinat est complètement décrépi et abandonné. Le manque de ressources menace leur survie. S’il n’y avait pas les dons d’un mystérieux bienfaiteur, ils ne pourraient peut-être pas subsister. Mais les orphelins sont travailleurs, gentils et intelligents. Et curieux aussi. Alors qu’ils tentent de découvrir l’identité du mystérieux bienfaiteur, ils commencent à se poser des questions sur la ville. Comment une ville autrefois charmante a-t-elle pu devenir si peu accueillante ? Et si elle était vraiment agréable, il y a longtemps, est-il possible que cette ambiance revienne ?

Actusf : Vous avez exercé de nombreux métiers. Ces derniers ont une influence sur les sujets que vous traitez dans vos romans, comme l’amitié et l’entraide ?

Kelly Barnhill : Je pense que oui ! Ma vie professionnelle tortueuse et variée m’a appris beaucoup de choses et premièrement de ne rien prendre pour acquis et d’être toujours ouverte à ce que chaque expérience peut m’apprendre. J’ai aussi appris à reconnaître la valeur de tous les types de métiers et que tout travail mérite d’être valorisé et exercé dignement. Tout est possibilité d’apprentissage et de compréhension, et que chacun mérite fondamentalement le respect, la liberté et la gratitude.

Actusf : Comment avez-vous abordé la construction du monde dans ce roman ? Quelle est la place de la magie ?

Kelly Barnhill : Mon imagination fonctionne en grande partie sur quatre sens. Ma mémoire n’est pas très visuelle — je pense en termes de sons, d’odeurs, de toucher et de goût. Ainsi, lorsque je me suis imaginé en train de marcher dans la ville, j’ai visualisé la sensation des pavés sous mes pieds. J’ai imaginé le toucher des vieux murs qui ont désespérément besoin d’être réparés. J’ai imaginé l’odeur de la vieille bibliothèque, en ruine depuis des années. J’ai imaginé ramasser chaque déchet sur la place du centre et le faire tourner dans mes mains. Une fois que j’ai une idée de ce que l’on ressent en se tenant dans un lieu, je peux trouver mon chemin vers l’histoire.

Actusf : Qu'est-ce que ça fait d'avoir votre travail traduit dans d'autres langues ?

Kelly Barnhill : C’est incroyable ! Et étrange ! C’est une sensation vraiment particulière parce que dans mon écriture en anglais, je réfléchis à chaque mot, je pèse le poids de chaque phrase, je considère profondément l’a construction de chaque phrase. Je ne peux pas faire ça quand je ne connais pas la langue ! Je dois donc espérer le meilleur et avoir confiance dans le fait que le traducteur comprend comment résoudre non seulement le choix des mots et leur sens, mais aussi le rythme et la texture de la langue. Je ne peux même pas imaginer à quel point le métier de traducteur du être difficile ! J’en suis toujours émerveillée.

Actusf : Pouvez-vous nous parler de l’organisation Compass ? Qu’est-ce que c’est ? Vous en faites toujours partie ?

Kelly Barnhill : C’est une organisation extraordinaire, mais hélas, je ne fais plus partie de leurs enseignants. J’ai cependant travaillé pour eux pendant des années, en tant qu’artiste enseignante. Nous étions envoyés dans tout l’État du Minnesota pour effectuer des résidences d’une semaine dans les écoles. Il y avait des écrivains comme moi, mais aussi des compositeurs, des musiciens, des sculpteurs, des poètes, des peintres, des marionnettistes, des danseurs traditionnels, des professionnels du théâtre, et bien d’autres encore. C’est une organisation merveilleuse dont le travail acharné mérite d’être mis en avant.

Actusf : Enfin, auriez-vous des recommandations de livres à partager avec les lecteurs français ?

Kelly Barnhill : J’en ai tellement ! Je vous recommande The Jumbies, de Tracey Baptiste, The Troubled Girls of Dragomir Academy, d’Anne Ursu, The Marvellers, de Dhonielle Clayton, et Dread Nation, de Justina Ireland (malheureusement, aucun de ces romans recommandés n’a pour l’instant de traduction française. NDLR.)

Quant au conseil pour les auteur.ice.s, j’en ai un, et il est simple : lisez des livres. Tout le temps. Lisez beaucoup. Lisez de façon éclectique. Lisez tout. Lisez des livres que les adultes que vous connaissez trouveront stupides. Lisez des livres que les politiciens fanfarons considèrent comme dangereux — si vous découvrez qu’un livre est interdit, il vaut probablement la peine d’être lu. Lisez des livres parce qu’ils ont l’air intéressants. Lisez des ouvrages de fiction, des ouvrages généraux, de la poésie, des romans illustrés, des magazines, des traités, des ouvrages de philosophie et des essais. Lisez tout ce qui vous tombe sous la main. Et écrivez aussi — quand vous en avez envie, et uniquement sous la dictée de votre propre curiosité et de votre joie. Ce que vous écrirez au début ne sera probablement pas très bon, mais que cela ne vous arrête pas. C’était vrai pour tous les auteurs que vous avez lus. C’était également vrai pour le premier jet de n’importe quel livre que vous n’avez jamais lu — ils commencent tous assez mal. Et ce n’est pas grave ! Restez curieux, faites des erreurs et sachez que vous pouvez toujours améliorer les choses dans les versions ultérieures. Il n’y a pas de règles pour être écrivain. Nous essayons des choses, apprenons sur le tas, et parfois nous échouons de façon spectaculaire. Mais notre premier objectif reste de nous amuser.

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