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Pourquoi (re)lire Pollen de Joëlle Wintrebert
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Pourquoi (re)lire Pollen de Joëlle Wintrebert

Ce matin, on vous donne trois bonnes raisons de (re)lire Pollen de Joëlle Wintrebert.

Réalisatrice, scénariste, critique, Joëlle Wintrebert a découvert la science-fiction alors qu’elle était rédactrice en chef de la revue Horizons du fantastique. En 1980, elle publie son premier roman : Les Olympiades truquées (réédité aux éditions J’ai lu) récompensé par le prix Rosny Aîné, et devient jurée du prix Apollo. Elle a publié quatre recueils de nouvelles, cinq anthologies et de nombreux romans (dont Le Créateur chimérique Grand prix de l’imaginaire en 1989).

Pollen sort le 22 février 2002 et obtient le Prix Rosny Ainé en 2003.

Les Poches du Diable permettent de redécouvrir cette fresque sur une société matriarcale et utopiste mais dont les lourds secrets vont faire basculer ce bel équilibre.

Un classique de la SF féministe française…

Sur Pollen, suite à de nombreuses recherches et évolutions technologiques et médicales, les femmes maîtrisent la reproduction par manipulation génétique et gestation in vitro. Pour éradiquer la violence, naissent un garçon pour deux filles, ce qui compose une triade soudée corps et âmes. Pour protéger celles (et ceux dans une moindre mesure puisqu’ils sont bien moins nombreux et relégués souvent à des postes subalternes ou à des objets sexuels) qui travaillent, créent, font de la politique, les guerriers ont été relégués sur le Bouclier, station orbitale où règne une sorte de remake du temps des romains.

Sur Pollen, tout semble être fait pour respecter la nature : les arbres-nids, les symbiotes en harmonie avec les habitantes… Mais un meurtre va être le déclencheur d’une rébellion qui va mettre à mal cette harmonie.

Le Mouvement, un parti visant à renverser le pouvoir afin que les hommes aient le droit d’être mieux représentés, a missionné Sandre, un jeune homme, pour assassiner un guerrier et ainsi marquer les esprits. Mais celui-ci se fait prendre et est envoyé sur le Bouclier. Là, la haine de ses camarades, les violences subies, l’éradication de sa mémoire par les mères, vont faire de lui un enjeu crucial pour la réussite de la rébellion conte le pouvoir sexiste de la matriarche de Pollen. Ses deux sœurs, parties prenantes intégrales, vont elles aussi devoir prendre des risques au nom de leur amour pour lui et pour la vérité.

L’autrice est une grande dame de la marche sur la crête d’un mur bien fragile. Elle a un véritable talent pour faire naitre les germes d’une révolte et les expliquer. Peindre une société aux antipodes de la nôtre, pour mieux en dénoncer les méfaits, elle le fait avec un style sobre et avec moult rebondissements.

…où le pouvoir corrompt

Avec Joëlle Wintrebert les rôles s’inversent pour nous rappeler que ce n’est pas tant le genre qui explique les vices des personnes de pouvoir, c’est le pouvoir en lui-même qui corrompt. Quand quelques femmes et quelques hommes se rapprochent pour découvrir les origines, les secrets et dérives de cette société apparemment bonne pour les unes et castratrice pour les seconds, l’autrice nous propose une œuvre de réflexion intense. Cet ouvrage a un peu plus de 20 ans. Il pourrait avoir été écrit de nos jours, tant l’exploration du genre est forte et les jeux de pouvoir d’actualité.

Le « elles » pluriel se substitue au « ils » classique quand un groupe contient à minima un homme et une femme : les prémices d’un respect dont certain(e)s abusent aujourd’hui et qu’on peut sans doute utiliser à bon escient. C’est bizarre au début mais justement dans le cadre de ce roman, si compréhensible.

Les hommes du Bouclier, qu’on se prend à détester au début ont eux aussi une part importante à jouer dans l’histoire de Pollen : guerrier, père, gens de pouvoir… Bernés ? Consentants ? Voleurs de vie ? Je trouve que le développement est un peu faible de côté-ci de la réflexion.

Une histoire d’amours

Une triade en particulier va faire sauter les verrous. Est-ce leur liberté sexuelle totale s'affranchissant de tout tabou qui les libère ? Leur amour profond qui les lie tous les trois ? Leur volonté d’égalité sur cette belle planète d’eau et de forêts ? J’ai été très enthousiasmée par le personnage de Sahrâ. Elle est le grain de sable, le cœur de la résistance. Elle est surtout dotée d’un amour sans fin, pour sa fratrie certes, mais surtout pour la justice, l’équité, la vérité, la construction d’un monde plus équilibré, quitte à jouer double jeu. Souvent.

J’ai aimé le fait qu’une partie des personnages soit de couleur noire sans que cela pose un problème quelconque dans les amours au quotidien, de même que les relations saphiques, même si finalement, il semble y avoir plus de relations femmes-hommes dans le récit, sur une planète dominée en nombre par les femmes.

 

Pollen, c’est avant tout « l’utopie de Jade », la Première. Sur cette vaste planète, il y a sans doute nous disent les rebelles, une autre façon de vivre et de gouverner. A condition de reconnaître les erreurs. La fin est ouverte vers l’altérité.

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