Livre
Photo de Ne mords pas le soleil !

Ne mords pas le soleil !

Tanith Lee ( Auteur), Jean-Claude Hadi (Illustrateur de couverture), Maxime Barrière (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/08/79  -  Livre
ISBN : 2702409296
Commenter
fredcombo   - le 31/10/2017

Ne mords pas le soleil !

La réputation d'auteur de fantasy de Tanith Lee est surtout due, en France, au succès de sa pentalogie Le Dit de la terre plate. La science-fiction et le fantastique font également partie des domaines qu’elle a explorés et ses histoires de vampires font honneur à un mythe pourtant surexploité. La principale raison en est une prose dont la qualité et l'originalité restent exceptionnelles quel que soit le genre abordé. À ce titre, le diptyque du Bain des limbes mérite toute l'attention des amateurs d'imaginaire qui attendent d’un texte un peu de finesse et d’élégance formelle. Le titre étrange et poétique du premier volet, Ne mords pas le soleil, est à l'image du roman : une histoire qui reprend le thème classique des utopies douteuses dans un style des plus singuliers.

Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire…

Sur une planète désertique, des villes sous dômes abritent une société répartie entre Jangs et Aînés. Tout y est possible, ou presque, grâce à la technologie et aux drogues, même mourir et renaître ensuite dans un corps dont on aura choisi l'apparence dans ses moindres détails. On peut ainsi devenir à volonté homme ou femme, beau ou laid, avec des ailes, trois yeux... Les Jangs passent le plus clair de leur temps en loisirs futiles et étranges, comme le restaurant infernal, le palais des rêves et autres récréaplaces. Tout cela est permis grâce aux robots et quasi-robots qui gèrent les cités, rendant le travail humain superflu. L'héroïne, une Jang, se lasse de cette existence idéale et doit affronter le pire ennemi de l'humanité décadente : l'ennui. Même la mort temporaire et le changement de corps ne parviennent à satisfaire son besoin de donner un sens à sa vie. Que faire ? Devenir paritrice ? Aînée ? Ou quitter BEE-quatre et partir pour les cités de BOO-quatre et BAA-quatre, explorer le désert ?

Amusons-nous pour ne pas penser trop fort…

En introduisant le récit par un bref lexique consacré à l’argot des Jangs, Ne mords pas le soleil laisse craindre le pire. En effet, trop d’auteurs se contentent, selon l’expression consacrée, de prendre un lapin pour un Gnargll. C’est pourtant justifié dans ce roman consacré à une société en grande partie constituée d’adolescents, ou d’adulescents, que l’usage de ce sabir branché met en relief. Voici donc un texte étrange, et par conséquent du plus grand intérêt... L’intrigue est assez mince pour faire passer au premier plan le monde dans lequel évoluent des protagonistes que leur superficialité rend vite agaçants. Toujours à l’affût d’une distraction inédite, d’une nouvelle mode, de la dernière folie en vogue, les personnages portent les stigmates psychologiques de leur vide existentiel. Comment peut-on manquer à ce point de profondeur ? C’est la question que se pose la narratrice, hantée par l’idée du suicide, sans lui trouver de réponse satisfaisante. C’est ainsi qu’à mesure que nous prenons conscience de la détresse de ces victimes du confort, nous finissons par y lire un découragement bien naturel face à la vanité de certaines des préoccupations matérielles d’une humanité qui reste encore assez primitive sous certains aspects. Et finalement, Ne mords pas le soleil se révèle être un livre beaucoup moins dérisoire qu’il ne l’avait semblé au départ. Ce texte touche un point sensible de l’âme humaine, celui qui fait mal lorsqu’on examine le chemin parcouru et qu’on se dit, un soir de cafard : à quoi bon tout ça ? Et le lecteur gagné par la mélancolie pourra se demander si l’énergie de ses jeunes années ne commencerait pas à lui faire défaut… Un livre qui sait faire naître un tel questionnement peut agir comme un électrochoc salvateur et réveiller le vieillard que nous devenons un peu plus chaque jour !  

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?