Opération pendule

Opération pendule

Ce court roman de 1987 est un insolite exercice de style qui revêt pour l'auteur du Château de Lord Valentin tous les aspects du petit plaisir d'écrivain. Bourré de clin d'œils et de références à ses propres univers, cette Opération pendule, est à même de rassurer un Silverberg qui regrette, parfois, de ne plus pouvoir s'autoriser de romans aussi subtils que ceux du début des années 70.

Ici, la forme sert le fond. On pourrait presque dire que la forme sert de fond, à cette ballade en balancier entre passé et futur. Car telle est l'approche résolument ludique du voyage dans le temps qu'a choisi Robert Silverberg.

Voyage dans le temps !

Sean et Eric Gabrielson sont jumeaux. L'un est paléontologue, l'autre physicien. Ce qui leur a permis d'être sélectionnés par une équipe de Cal Tech, afin d'être les premiers voyageurs du temps.

Leur gémellité va permettre aux scientifiques de pouvoir calibrer sans risque leur bascule temporelle. Un engin frustre, qui va envoyer les deux frères alternativement dans le passé et dans l'avenir, suivant un mouvement pendulaire. Les variations sont en progression exponentielle, chacune étant dix fois plus éloignée dans le temps que la précédente. Ainsi, lorsque Sean est envoyé 5 minutes dans le passé, Eric se matérialise, lui, 5 minutes dans l'avenir. La rotation suivante amènera Eric 50 minutes dans le futur, alors que Sean reviendra 50 minutes avant le temps zéro. Et ainsi de suite jusqu'à un écart temporel de 950 millions d'années, chaque "déconnexion", durant de quelques minutes, à quelques jours.

Un pur divertissement

Pas le temps pour Silverberg de fouiller ses atmosphères. Le propos d'ailleurs n'est pas là. Tout l'intérêt du roman se joue sur cette succession d'instantanés, qui en fait l'exact opposé d'un livre monde. Le rythme soutenu des chapitres, qui n'excèdent que très rarement les trois pages, s'accorde à merveille avec ses futurs et ses passés brossés en quelques phrases précises. Immanquablement on se trouve pris dans ce tourbillon sans fin. Pur divertissement, jeu d'auteur plus que plaisant, Robert Silverberg, pousse le bon goût, jusqu'à ne pas lui consacrer plus pages que nécessaire. Entre L'étoile des Gitans et La série du Peuple, cette habile récréation tend à prouver que ce vieux routard de la SF sait encore être un styliste astucieux.

Sans grande consistance certes, mais redoutablement efficace, cette Opération pendule, remplira quelques-unes de vos heures de polaroïds anachroniques. Une petite friandise littéraire à picorer sans complexes, le temps de quelques trajets en métro.