Dernière étape de sa période dite "faste", Robert Silverberg signe ce roman alors qu'il est déjà en semi retraite. Après sa publication on n'entendra plus parler de lui pendant cinq ans, et il ne reviendra aux affaires qu'avec Le château de Lord Valentin.
Il semblerait qu'en fait Shadrak dans la fournaise soit une sorte de coup. Une sortie de circonstance, sans réelle consistance. On aurait aimé pouvoir y voir une sorte de testament provisoire, mais ce n'est pas le cas. Jamais réédité, il vaut plus par sa place un peu particulière dans la bibliographie de Silverberg que par ses qualités intrinsèques.
Peut-être aussi que cette histoire sans grande implication est le fruit d'une volonté de conciliation avec ce nouveau marché de l'édition, alors émergeant, et à l'encontre duquel Silverberg nourrissait de sérieux doutes.
Aussi n'attendez pas trop des aventure de Shadrak Mordecai, médecin personnel de Gengis IV Mao II, le Kahn cacochyme des ruines du monde.
Transfert de personnalité
En 2023, la Terre n'est plus qu'un champ de désolation où survit une population qui succombe peu à peu au syndrome du pourrissement intérieur. La maladie n'épargne que les rares chanceux capables de se procurer un antidote que seul détient le Congrès Mondial de la Révolution, organe central du pouvoir du Kahn. Potentat mondial par défaut de résistance des anciennes puissances, Gengis IV Mao II est âgé, très âgé, et requiert les soins constants que Shadrak lui prodigue avec un dévouement tout professionnel.
Aussi lorsqu'il apprend que le grand Kahn a décidé de transférer sa personnalité dans son propre corps, le médecin n'ose y croire…
Déception ?
En dehors du fait que Shadrak soit un des rares héros noirs de science fiction, sans doute un résidu d'influence de la Blaxploitation qui explosait alors aux Etats-Unis, rien de très remarquable dans ce roman convenu. On attendait sur le pouvoir, une réflexion plus aigue, et un jeu d'idées plus riche que celui qui consiste à montrer l'univers du décor de cette dictature mondiale ? Rien de bien neuf d'ailleurs dans cette vision rabâchée du despote manipulateur et de l'éventail habituel de couards, robots et autres opportunistes constituant sa cour.
Robert Silverberg a déclaré avoir arrêter d'écrire parce qu'il n'avait plus rien à dire, et c'était peut-être vrai finalement. Peut-être aussi parce que le pourrissement intérieur du monde de l'édition ne lui semblait pas encore assez inéluctable pour qu'il se sente prêt à s'embarquer au côté des Gengis Mao du monde littéraire.
Shadrak dans la fournaise se lit néanmoins avec aisance, voire avec plaisir, mais il n'est pas à la hauteur des aspirations des inconditionnels. Dommage.