Encore un recueil de nouvelles signé Robert Silverberg. Il faut dire qu'on lui en doit près de 450, livrées sous une demi-douzaine de pseudonymes. Les éditeurs n'ont donc qu'à se baisser pour ramasser. Et on notera qu'ici, ils n'ont pas risqué le tour de reins.
Annoncé dans une perspective alléchante de récits rassemblés autour du thème de l'uchronie, on se retrouve au final avec une collection hâtive de textes, majoritairement datés de la fin des années 80 - pas vraiment sa meilleure période - et réunis sans souci de réelle cohérence.
Uchronie quand tu nous tiens...
On ouvre sur Légende de la Forêt Veniane, molle nouvelle datée de 1969, et qui se rattache directement au cycle de Nova Roma, largement inédit en France, mais auquel Silverberg se réfère abondamment dans son anthologie Horizons Lointains. La nouvelle y tient, nous dit-il, une place importante. Dans cet univers parallèle où le peuple Juif n'a pas été chassé d'Egypte, le christianisme ne s'est pas développé puisque Jésus n'est pas né. Ainsi Rome est resté un puissant Empire et a continué d'étendre son influence sur l'Occident. Légende de la Forêt Veniane se place juste après l'avènement de la Deuxième République, aux environs de notre XIXème siècle, et met en scène le dernier des Césars, devenu un proscrit, qui vit dans un ancien pavillon de chasse aux environs de Vienne. Bien plus amusante, Le Traité de Düsseldorf qui date, elle, de mars 1959, est l'archétype de la nouvelle à chute dont les lecteurs d'Astounding Stories était friands à l'époque. Il y est question d'extra-terrestres manipulateurs et maladroits, d'univers connexes et de probabilités mal maîtrisées. On ne boudera pas son plaisir, d'autant qu'après cela les choses vont vous laisser comme un goût d'arnaque dans le porte-monnaie.
Tombouctou à l'heure du Lion est une séquelle tardive de La Porte des Mondes, publiée en 1969. Dans cet univers purement uchronique, Silverberg décrit un monde où l'Occident a été au trois quart ravagé par la grande peste de 1348 et entièrement conquis par l'empire Ottoman, seule puissance d'Europe à pouvoir tenir tête aux richissimes Incas et puissants Aztèques qui règnent en maître sur le continent américain. Dépaysante, envoûtante même, Tombouctou à l'heure du Lion commence sur fond d'intrigue de palais autour de la succession au trône d'un des grands royaumes africains. La tension monte, et… s'effondre lamentablement, comme un soufflé trop cuit. Déception encore avec Le Sommeil et l'Oubli, courte nouvelle bâclée. Avec Entre un soldat, puis un autre on se prend à espérer, bien que l'on sorte clairement du thème de l'uchronie. Des informaticiens sont parvenus à créer deux intelligences artificielles sur le modèle de Pizarre et de Socrate. Les joutes verbales entre le conquistador et le philosophe offrent à Silverberg l'occasion de montrer tout son talent, mais elles n'aboutiront - une fois de plus - qu'à une non-fin décevante. Basileus qui clôt enfin ce fastidieux recueil ne vaut guère que par son personnage central : un collectionneur d'anges.
Bof...
Si le nez de Cléopâtre eut été moins long, sans doute eût-il changé la face du monde, ce qui ne risque en aucun cas d'arriver à cette compilation de textes qui n'est, bien-sûr, pas exécrable, mais d'évidence ne s'adresse qu'aux fans de Silverberg les plus épris d'exhaustivité.