Khaemouaset ou la loi de Maât
Premier mouvement : l'auteur
Scénariste, dessinatrice et coloriste de Sur les Terres d'Horus, Isabelle Dethan annonce la couleur : elle est une artiste complète. Venue à la BD par des voies détournées (elle a d'abord étudié les lettres et a été diplômée dans les domaines de la documentation et de l'histoire), elle en assume toutes les facettes avec un réel bonheur.
Reconnue depuis son prix Alph'Art Avenir 1992, elle a produit des volumes très variés aussi bien dans le scénario que dans les choix graphiques : de la fiction fantastique en couleurs directes avec Mémoire de Sables (3 volumes) ou Le Roi Cyclope (3 volumes), à la chronique acide du quotidien en noir et blanc (Tante Henriette).
Avec Sur les Terres d'Horus, Isabelle Dethan renoue avec ses premières amours : la fiction et l'Egypte ancienne.
Deuxième mouvement : l'histoire
Sous le règne de Ramsès II, les pilleurs de tombe avaient déjà la part belle. Mais lorsque Khaemouaset, fils de Pharaon et grand prêtre de Ptah, visite une chambre funéraire profanée, il découvre que le crime n'est pas à imputer à des pillards. Un groupe occulte d'adorateurs de Seth, le dieu de la guerre, y a enseveli un des siens en secret. Pourquoi dissimuler la tombe d'un cousin de Pharaon ? Parce que ce même cousin avait été privé de salut éternel des années plus tôt, car il s'était rendu responsable de sacrifices humains !
Or, depuis le règne de Sethi, père de Ramsès II, Seth est aussi vénéré comme le dieu de la force vive et du désert. Toute secte au culte dissident risque de porter ombrage au pouvoir de Pharaon. La sécurité nationale est d'autant plus menacée que l'or, la chair des dieux et propriété exclusive de Pharaon, semble ne plus arriver jusqu'à ses coffres. Simple coïncidence ?
Meresankh (" celle qui aime la vie "), la scribe de Khaemouaset, et Imeni, son nouveau garde du corps, sont chargés d'éclaircir l'affaire. Leurs investigations ne leur attirent que des ennuis, et ils échappent à une tentative d'assassinat. Les commanditaires de cet assassinat s'en prennent même à la famille de Meresankh. Heureusement, Imeni veille. Khaemouaset, jaloux de l'idylle naissante entre ses serviteurs, s'en remet au jugement de Seth en les envoyant en mission périlleuse au cœur de désert.
Troisième mouvement : l'éloge
Une chose est sûre, ce projet d'Isabelle Dethan est mûri : son goût pour l'Egypte (parfois trop didactique) et le carnet de croquis ramené de ses voyages outre-méditerranée reflètent son implication. Son dessin me semble le reflet parfait de sa pratique de la BD : clair, riche et précis, sans être rigoriste ou sophistiqué.
Ainsi, le scénario est rondement mené et l'on est tenu en haleine jusqu'à la parution du tome 2. L'auteur surfe habilement sur les clichés qu'elle détourne à son compte en leur donnant un second souffle (l'histoire de la tombe profanée par exemple). Les personnages ne nous apparaissent encore qu'à travers un œilleton qui semble s'élargir au gré des pages. Le mystère qui recouvre l'enquête est digne de La Pyramide assassinée (la seule œuvre lisible de Christian Jacq) : implication de hauts dignitaires, secrets à tiroirs… Un régal ! Je saluerai enfin son travail de coloriste que je trouve sans fausse note. La Dame manie les ombres et lumières avec talent, ce qui ne gâche rien au pays du Dieu Soleil.
Bref, Isabelle Dethan initie avec Khaemouaset ou la Loi de Maât une série plus exotique que fantastique (ce qui n'a rien d'une critique) dont on attend la suite avec impatience.