Nakhtamon ou la colère de Sekhmet
Isabelle Dethan, locataire parmi d'autres grands noms de la BD (parmi lesquels Mazan) de l'atelier Sanzot, mène de front sa double actualité de soliste: en 2004, après Eva aux mains bleues (collection Muirages), elle a également réalisé le quatrième tome de Sur Les Terres d'Horus, une série à succès dans l'univers de l'Egypte ancienne. Cette série est construite comme un feuilleton des aventures de Meresankh, la servante, et Khaemouaset, le fils de Pharaon, confrontés à des intrigues policières bâties en deux tomes. Nakhtamon ou la colère de Sekhmet vient donc clore la deuxième enquête de la série qui a vu, dans Tiasatré ou le jugement d'Anubis, l'assassinat de quatre hautes dignitaires, dont Tiasatré la propre femme de Ramsès II; des meurtres inacceptables l'année même du jubilé censé célébrer le règne sans ombrage de Pharaon.
"Et notre vengeance sera accomplie"
Devant la gravité de la situation: l'assassinat de quatre princesses de la cour de Ramsès II, le prince Khaemouaset est contraint de faire appel à ses proches les plus intimes. Meresankh, d'abord, celle qui fut jadis sa servante et que Khaemouaset avait envoyée dans le désert par jalousie, Meresankh donc est chargée de rechercher dans les archives les liens qui unissaient ces quatre priçncesses du même âge. Des recherches qui la mèneront sur la piste de Pashed, un chasseur qui a disparu des années plus tôt, le jour où son chemin a croisé celui des princesses. Une disparition mystérieuse qui a jeté sa famille dans la misère et aurait conduit ses enfants à se faire justice eux-mêmes.
Problème: le jour de la disparition de Pashed, c'étaient cinq jeunes femmes qui lui rendaient visite, et non quatre. Ce qui voudrait dire qu'une vie est encore en danger. Une hypothèse que Hori, le fils de Khaemouaset, va se charger de déjouer au fil du Nil. Mais le sauvetage de Dame Sathe a un goût bien amer pour lui puisqu'il aura dû laisser fuir son agresseur. Un agresseur et ses complices qui ne manqueront pas de refaire parler d'eux...
Une enluminure à l'aquarelle aux couleurs de l'incendie
Isabelle Dethan poursuit sa fresque égyptienne au temps de Ramsès II. Une époque qu'elle enlumine d'aquarelles qui empreintent toutes les teintes du ciel. Une colorisation toujours plus réussie, avec des blancs moins crus, et des planches mieux composées. Lorsque l'on regarde aujourd'hui les couleurs de Khaemouaset ou la loi de Maât (Sur Les Terres d'Horus -1), on mesure les progrès accomplis par l'auteur, tant au niveau de la densité de ses couleurs, que dans son traitement des ombres et des reliefs des visages. Un travail pour lequel Isabelle Dethan montre comme toujours une extrême application.
Au fur et à mesure que son univers égyptien se construit, les détails pittoresques sont de plus en plus relégués au second plan pour faire place à l'action. Une action qui s'installe toujours un peu plus à cheval entre l'ambiguïté des relations Khaemouaset/Meresankh, et les intrigues policières de la cour de Pharaon. Un habile découpage scénaristique : les intrigues sur deux tomes liées entre elles par les affres de l'existence de Meresankh et Khaemouaset, assurent à l'auteur une opportunité de mener encore bien loin une série désormais installée dans le paysage de la bande dessinée francophone comme la nouvelle référence du genre.