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Le grand silence

Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/02  -  Livre
ISBN : 2290317985
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Eric   - le 20/09/2018

Le grand silence

Robert Silverberg a toujours mis dans son métier d'écrivain une bonne dose de cynisme, exception faite de ces quelques grandes années entre 68 et 74, et encore se voyait-il plus alors comme un dilettante que comme un authentique auteur de SF. C'est surtout la marque d'un talent incroyable et d'une facilité d'écriture proprement écœurante. Capable d'adapter son style sans se renier, de se plier à toutes les fantaisies éditoriales, Silverberg est un véritable virtuose de la plume. Ainsi, lorsque l'âge et le besoin de s'assurer un certain confort l'ont contraint à "faire du chiffre", c'est sans trop d'état d'âme qu'il s'est mis au best-seller à l'américaine. La Grosse Prod. Le Big Business, majuscule à tous les mots, et tout et tout. Au point même de presque se perdre de vue par instant, comme avec son interminable saga de Majipoor (et dans "interminable", bien-sûr il y a "inter", comme vous le savez). Quoiqu'il m'en coûte à titre personnel de l'admettre, il faut bien se rendre à l'évidence : les dernières productions du Big Bob n'étaient pas tout à fait au niveau. Enfin pas au niveau de la quasi-perfection à laquelle il nous avait habitués.

Un début bien convenu...

Aussi n'est-ce pas sans quelque appréhension que s'attaque cet imposant Grand Silence. Une appréhension que ne viennent guère dissiper les premières pages, tant l'intrigue y est bateau, les personnages stéréotypés et le style d'une platitude si… plate, que pour un peu on se demanderait si c'est bien Silverberg qui s'y est collé. Jugez plutôt : Début du XXIème siècle, Los Angeles. Le Commandant Mike Carmichael, inflexible héros au regard d'acier, rentre aux commandes de son Cessna de sa retraite annuelle dans le désert de Sonora. Il n'est guère étonné de voir les forêts environnantes en flammes, après tout c'est de saison, et comme chaque année il va dès son arrivée se proposer pour aider à circonvenir le sinistre. Et là, que lui ne lui annonce-t-on pas ? Les feux ont été allumés par les réacteurs des vaisseaux d'extraterrestres, qui viennent juste d'atterrir. Ah ben dites-donc ma bonne dame ! De ces aliens d'ailleurs on ne sait rien, ils n'ont absolument pas tenté d'entrer en contact avec les autorités. Ils se sont contentés de sortir se balader et ont fait quelques prisonniers, dont, hasard extraordinairement capilotracté, la femme du commandant, sorte de hippie new-age fan de petits hommes verts. Ce qui ne va guère lui plaire à son militaire de mari... Il y a en outre à L.A un autre Carmichael dont la brosse réglementaire est un rien défrisée par l'arrivée des "Entités", comme on les appelle déjà. Celui-ci est colonel, frère du premier, et son truc à lui c'est la guerre psychologique. Et tout ça, croyez-le ou non, ne lui dit rien qui vaille.

Un chef d'œuvre

Bref que du très convenu dans ce début mollasson à la Crichton. On attaque à la limite inférieure de l'ennui, et c'est bel et bien là qu'on va rapidement se laisser surprendre lorsque l'intrigue s'emballe sur quatre générations dans une valse de personnages étranges, obsédés par l'idée de résistance. Une idée qui ira jusqu'à flirter avec l'abstraction à mesure que les invincibles Entités vont transformer la Terre en une friche et les Humains en esclaves moutonnant. Ils ne se donneront pas même la peine d'une attaque ou d'une guerre. D'une pichenette ils vont s'assurer une domination totale sur le monde et continuer d'y évoluer dans une suprême indifférence, laissant les humains à leurs interrogations, leurs frustrations, leur résignation. Des humains livrés à eux-même, qui vont aller tout au long de ces 570 pages, au bout de leurs convictions et au bout de toutes les illusions.

Sous des dehors bien sages, trop sages, Le Grand Silence est peut-être bien le dernier chef d'œuvre en date de Robert Silverberg. Un long et puissant questionnement sur l'humanité, la quête de l'absolu et l'illusion de l'unicité. Un livre qui se paye le luxe d'aller bien plus loin qu'il ne le prétend, et qui nous prouve que l'ami Bob a toujours l'esprit et la plume aussi acéré. Ouf !

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