Le livre de poche continue dans sa réédition d'un des cycles les plus célèbres de Jack Vance, La Geste des Princes-Démons. La Machine à tuer est le deuxième tome de cette saga en cinq volumes contant la vengeance d'un homme, Kirth Gersen, sur les cinq Princes-Démons (race-extraterrestre puissante et obscure) qui ont tué ses parents. Cette vengeance débutait dans Le Prince des étoiles où Gersen déjouait les plans d'Attel Malagate, alias Malagate le monstre, et de ses sbires. Roman se concluant, bien entendu, par la mort du Prince-Démon.
Dans La Machine à tuer, Gersen décide de s'en prendre à Kokor Hekkus, nom qui signifie "la machine à tuer" qu'il aurait tiré d'une de ses sombres machines, un "bourreau métallique muni d'une lourde hache qui tranchait le corps en deux parties. Plus terrifiant encore était l'horrible cri que poussait l'ogre de métal chaque fois que retombait son instrument".
"Koko Hekkus était le plus énigmatique, le plus fantastique et inaccessible de tous"
Kirth Gersen n'en est pas à sa première rencontre avec Kokor Hekkus. Ayant contrecarré une première fois ses plans, Gersen avait loupé l'occasion d'assouvir sa vengeance. Mais une série de kidnapping le remet sur la trace du diabolique Prince-Démon. Celui-ci semblerait avoir un besoin pressant d'argent et le seul moyen rapide et efficace qu'il ait trouvé, est l'enlèvement d'enfants, de proches d'hommes riches, voire excessivement riches. Gersen décide alors d'enquêter sur Interéchanges, une organisation privée qui sert d'intermédiaire entre les ravisseurs et les payeurs. La société loge et nourrit les victimes en attendant que la famille (ou les amis) lui paye directement la rançon. Celle-ci sera ensuite reversée aux kidnappeurs moyennant une commission. Bien entendu, la victime est remise indemne à ses proches. Gersen pense que la solution pour coincer Kokor Hekkus se trouve derrière les murs d'Interéchanges...
"Certains aspects de la situation confinaient au tragi-comique"
Écrit en 1964, il est vrai cette série à un côté vieillot des séries télévisées des années soixante-dix. Ainsi, Gersen a un côté John Steed (Chapeau melon et bottes de cuir) et Dany Wilde (Amicalement vôtre) à la fois. Et pourtant, quand on lit du Jack Vance, on ne peut qu'admirer cet homme. Il a créé son propre style, et malgré ce côté "vieillot", il a su rester en avance sur son temps. Décalé, avec un second degré, voire un troisième degré, La Geste des Princes-Démons est du pur "tragi-comique". Un vrai délice.
Le lecteur retrouvera avec plaisir Gersen dans La Machine à tuer. Entre aventure, policier, et fantasy, ce roman est bourré de conjonctures cocasses, très drôles et pourtant frisant le tragique. Ainsi, Gersen se retrouve dans la situation à éviter absolument. Le traqueur devient la victime et notre héros se retrouve entre les murs d'Interéchanges, incapable de payer la rançon demandée par Kokor Hekkus, lui-même. Cette situation qui pourrait sembler fatale pour le héros, le lecteur la prend avec insouciance, car Gersen n'est-il pas un héros atypique, un James Bond du futur capable de sortir de toutes les pires situations ? Ainsi, le lecteur se laisse porter par les pages et se demande de quelle façon rocambolesque Gersen va-t-il se sortir de là. Avec des scènes truculentes, des rebondissements astucieux, l'intrigue est extrêmement bien ficelée et nous tient en haleine. Et oui, La Geste des Princes-Démons apporte une fraîcheur et une légèreté qui nous fait regretter de ne pas lire de tels romans plus souvent...